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Les classes moyennes ont–elles profité de la croissance américaine ? Partie 2

D’après les chiffres de Thomas Piketty, le revenu médian d’un ménage américain aurait stagné depuis trente ans. Les travaux de trois chercheurs du National Tax Journal[1]l ont démonté la désinformation et débouchent, eux, sur une augmentation de 37%. Mais ils ne sont pas les seuls à conclure en ce sens. Une autre étude, présentée ici, confirme le biais et conclut même à une augmentation encore plus importante du revenu médian américain.

Afin d’estimer de manière objective l’évolution du revenu médian américain, l’économiste et vice- président de la banque fédérale de Minneapolis, Terry J. Fitzgerald[2], a retraité les chiffres du Census Bureau américain, principale agence gouvernementale de statistiques économiques. Avant même retraitements, ces données contredisent les chiffres de T. Piketty, qui leur avait préféré la base de données moins exhaustive de l’IRS, le fisc américain[3]. Pour la période entre 1976 et 2006, le Census Bureau donne en effet une croissance du revenu médian non pas de 3% comme T. Piketty l’avance[4] mais de 18%. Cependant, la différence réelle entre les chiffres de T. Piketty et de T. Fitzgerald est encore bien plus conséquente car les chiffres du Census souffrent de limites méthodologiques importantes.

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Le premier élément à rectifier est le choix de l’indicateur à utiliser pour estimer l’inflation. Les statistiques du Census utilisent le « Consumer Price Index » (CPI). Mais des recherches approfondies[5] ont montré que cet indicateur surévalue largement l’inflation, la preuve en étant que la grande majorité des économistes et la Fed[6] elle-même utilisent plutôt le « Personnal Consumption Expenditures deflator » (PCE), publié par le Bureau d’Analyses Économiques américain[7]. Or, si l’on prend cet indicateur, l’évolution du revenu médian n’est pas de +18% mais de +26%.

Le tableau ci-contre montre la différence de gain de revenu selon l’indicateur d’inflation choisi ; ils sont au nombre de cinq. On y voit notamment que l’indicateur retenu par Fitzgerald (PCE) n’est pas –et de loin- l’indicateur qui maximise l’accroissement de revenu des ménages.

Tout comme ses confrères du National Tax Journal – et bien que sa manière d’aborder le problème soit légèrement différente – T. Fitzgerald constate ensuite que les sous-groupes de ménages (couples mariés, familles monoparentales…) ne sont pas présents dans les mêmes proportions dans la population d’aujourd’hui que dans celle d’il y a trente ans. Il montre ainsi que pour chaque sous-groupe, le revenu a augmenté de bien plus que 26%.

Comment expliquer que la croissance du revenu de chaque sous-groupe soit plus forte que la croissance du revenu de l’ensemble du groupe ? En fait il n’y a pas de contradiction. À titre d’exemple, les chiffres montrent qu’un ménage composé d’une femme seule avec enfants gagne 42% de revenu en plus qu’il y a trente ans. Bien davantage que les 26% susmentionnés. Cependant en pourcentage du total des ménages, il y a plus de familles monoparentales aujourd’hui qu’il y a trente ans. Cela fait donc baisser la moyenne sur l’ensemble des ménages, ce type de ménage gagnant moins qu’un ménage avec deux parents.

Par sous-groupes, les statistiques montrent ainsi que le revenu médian a augmenté non pas de 26% mais de 36% à 54% pour l’immense majorité des sous-groupes :

Au passage, cela confirme au plan macroéconomique que l’éclatement des familles est responsable d’un important manque à gagner dans leur enrichissement.

Enfin, l’auteur rappelle que les données du Census Bureau ne prennent pas en compte toutes les sources de revenus mais seulement les revenus monétaires. Elles excluent donc de fait les cotisations des employeurs aux caisses de retraites et d’assurance, et les avantages en nature tels que Medicaid, les bons alimentaires et les aides pour l’accès à l’énergie. En intégrant ces éléments à partir des données du Bureau d’Analyses Économiques, l’auteur évalue qu’ils ajoutent 8 points de pourcentage d’augmentation au revenu médian. Pour l’immense majorité des sous-groupes de ménages, le revenu médian a donc augmenté au global de 44 à 62 %.

Le tableau ci-dessous récapitule les calculs de l’auteur et confirme encore une fois -s’il en était besoin- que le chiffre de 3% de T. Piketty était, pour le moins, déficient.
Une augmentation de moitié du revenu médian, même en 30 ans, est loin d’être négligeable et prétendre qu’il est resté inchangé n’est plus de l’information économique mais de la désinformation politique.

Tableau récapitulatif

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Vos réactions à cet article (3) :

Les classe moyennes ont–elles profité de la croissance américaine ? Partie 2

le 1er décembre 2013, 17:28 par Dosogne

Très bonne étude , c’est clair et convainquant ! Et en France , dispose t on de chiffres permettant une comparaison ? Sinon en Europe ? Intuitivement, je pense que les revenus en France ont du moins croitre , sur la période , et surtout depuis 2002 : 35 h et euros devraient etre des facteurs de ralentissement de le croissance des revenus dans notre pays . Si on parle de revenus disponibles, il faudra y ajouter l’impact négatif de la fiscalité....

Les classe moyennes ont–elles profité de la croissance américaine ? Partie 2

le 1er décembre 2013, 19:31 par Lainée

Comme la première analyse, celle-ci apporte des faits bien intéressants.
Maintenant l’évolution des revenus, à structure famille égale, n’est-il pas un effet d’optique du même type que celui de Piketty.
Pour les personnes mariées qui sont devenues des personnes seules/ des familles monoparentales, l’effet d’appauvrissement (les chiffres absolus ne sont hélas pas dans l’article) sembleront plus réels que l’enrichissement théorique de la classe des famille dont elle est issue. On ne peut certes pas reprocher à l’Etat seul tous les choix individuels des personnes qui divorcent, mais la perspective des gens suit leur ligne de vie, pas une trajectoire théorique, même bien retraitée. Un problème intéressant, qui n’est pas sans me faire penser au mystère de l’euro non générateur d’inflation...

Les classes moyennes ont–elles profité de la croissance américaine ? Partie 2

le 3 décembre 2013, 11:31 par Yves BUCHSENSCHUTZ

Tout à fait d’accord avec 1 et 2. Il n’en reste pas moins que le divorce est certainement une source conséquente de fait de paupérisation de la population. (On le retrouve dans les causes de chômage). Quand celui-ci dépasse 50 % comme en région parisienne en France, ce n’est plus un phénomène marginal. Emploi 2017 pourrait-il creuser un peu ce sujet ? Tout se passe comme si notre société avantageait de fait le couple sur un plan économique. Faut-il interdire le divorce ou au moins prévenir les candidats ?


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