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Vaccination, la trouille et le parapluie

par Bertrand Nouel
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Comment se fait-il donc que le gouvernement n’ait pas anticipé le désastre politique de l’organisation française de la vaccination ? Une logique infernale s’est développée, que l’on peut disséquer à partir de la conjonction de nombreux phénomènes assez spécifiques à la France.

La suradministration centralisée et monopolistique de la France et les exigences posées par la population à l’action de l’Etat.

Ce sont des paramètres bien connus qu’il n’est pas nécessaire de développer ici. Rappelons que les Etats qui entourent la France sont pour la plupart des Etats de type fédéral où la responsabilité n’incombe pas à un gouvernement unique et centralisé, cible potentielle de toutes les critiques.

La judiciarisation grandissante de l’action de l’Etat ainsi que de celle de la profession médicale.

De plus en plus se développent les actions engagées contre l’Etat à tous propos. La responsabilité dans le domaine médical ajoute le risque spécifique que représente le crime d’homicide involontaire. Quelques affaires retentissantes ont traumatisé les administrations depuis le milieu du siècle dernier : le stalinon, le thalidomide (dont la nocivité apparut 4 ans après sa mise sur le marché, et qui sous d’autres noms, pour certaines affections, est pourtant toujours prescrit) le sang contaminé (qui coûta sa carrière politique à l’actuel président du Conseil constitutionnel), le distilbène, le médiator ( prescrit pendant trente ans, et dont les procès sont depuis 12 ans toujours en cours, le dernier interrompu par…la Covid en première instance!). La responsabilité de l’Etat et celle de l’Agence du médicament, en plus de celle des médecins, se sont trouvées mises en cause, financièrement mais aussi pénalement. On rappellera aussi que les primes d’assurance des médecins, surtout dans le domaine chirurgical, ont bondi dans des proportions insupportables.

Le contresens commis sur le précepte médical « primum non nocere » et l’introduction du principe de précaution dans la Constitution.

« D’abord, ne pas nuire », c’est le précepte qui est censé s’imposer aux médecins et que certains mettent en avant pour contester la vaccination comme moyen de lutte contre les virus, et particulièrement celui appelé Covid.

Mais cet adage ne figure pas tel quel dans le serment d’Hippocrate que prêtent les médecins. Ces derniers s’obligent à ne pas faire prendre à leurs malades de « risques injustifiés ». La différence est considérable. Car la formulation du serment introduit la notion de risque, et donc d’une part l’existence inévitable de ce risque à la base de tout traitement, et d’autre part l’obligation pour le médecin de déterminer à partir de quand ce risque serait « injustifié ». Le risque est la contrepartie du progrès, et la déontologie médicale l’admet. Mais le Français, non ! Si les malades ne voulaient ne prendre aucun risque, à lire les contre-indications ou les mises en garde énumérées dans les notices accompagnant les boîtes de médicaments ou dans le Vidal, ils ne se soigneraient simplement pas. Mais ils n’en tiennent pas compte, heureusement pour eux, ce qui ne les empêche pas de revendiquer la sécurité parfaite.

Et c’est là que tout dérape dans la trouille générale et que s’ouvrent grand les parapluies.

La première conséquence est l’abandon du choix de la décision politique aux experts – les médecins. Au passage, on n’a jamais entendu parler des laboratoires, pourtant fabricants des vaccins. Mais les médecins sont des individus, chacun a son propre avis : c’est un peu comme si Louis XIV avait concomitamment chargé une vingtaine d’architectes de construire Versailles. On s’en est bien aperçu dès le début de la crise, sans même évoquer le cas du « savant de Marseille ». D’où un flottement généralisé. D’autre part, les médecins, en tant qu’hommes de science, veulent autant que faire se peut avoir des certitudes sur l’efficacité et l’innocuité de leurs prescriptions, lesquelles sont en fait impossibles à atteindre ici dans les conditions d’urgence exigées, au surplus avec l’utilisation de méthodes nouvelles. Les experts font donc état de leurs doutes, qui se répandent comme une autre pandémie dans le gouvernement, les hôpitaux, les EHPAD et finalement dans toute la population, et font la joie des anti-vaccins. Le responsable vaccination désigné par le gouvernement est, comme le ministre de la Santé, un médecin qui ne craint pas de trouver « légitime » d’avoir des doutes !, et ajoute encore pour faire bonne mesure qu’il n’est pas un spécialiste de la logistique !!

Seconde conséquence, prudence avant tout ! Ne pas se presser, et traiter les cas les plus à risque en priorité. Comme il n’est pas question de rendre le vaccin obligatoire, ni même de refuser aux personnes refusant le vaccin des droits accordés aux vaccinés (la question pourrait cependant se poser, comme elle l’est en Allemagne, et qu’elle a été résolue en France pour le vaccin infantile de la rougeole), on institue la règle du consentement individuel « éclairé », qui donne lieu dans les EHPAD à une réglementation hallucinante dont on lira des exemples ci-dessous. En outre, la notion de consentement « éclairé » n’a pas de sens à l’heure actuelle faute d’expérience, il faudra attendre plusieurs mois, voire années, lorsque l’état de l’art sera fixé. Quel éclairage convaincant peuvent donner des médecins qui sont eux-mêmes sceptiques ? Finalement, comme les résidents des EHPAD, supposés les plus à risque, doivent être traités en premier, et qu’ils ne le sont qu’à une allure de tortue, le reste de la France devra patienter derrière…

Ajoutons, mais c’est une autre question, qu’en Allemagne ont été institués des centres extérieurs aux établissements hospitaliers, dédaigneusement appelés vaccinodromes – mais très efficaces. Librement accessibles au public, ils sont ouverts de 8 heures à 22 heures, 7 jours sur 7, soit 98 heures par semaine. Verra-t-on cela au pays des 35 heures quand ces centres finiront par être installés ?

Alain Minc, comme bien d’autres, s’énerve, refuse que « les vieux [dont il souligne faire partie] bloquent le pays », et taxe le gouvernement de « pusillanimité ». La litote est adéquate, mais cette pusillanimité a, comme on vient de le voir, des racines qui s’enfoncent très profondément dans la terre française. La crise actuelle contribuera-t-elle à la déraciner ? Bonne année Mauricette !

Une expérience vécue.

C’est celle d’une tutrice légale d’un homme résident d’un EHPAD dans la proche banlieue de Paris. L’homme, entre 70 et 75 ans, est en bonne forme physique. Quelques jours après Noël, l’administration de l’établissement vient lui remettre copie des instructions du ministère de la Santé données aux EHPAD le 14 décembre. C’est un document de trois pages très densément imprimées, annonçant le processus de vaccination. Il est encore préliminaire, et décrit les futures phases : envoi « dans les prochains jours » d’un « protocole précis », communication par l’ARS d’une « date prévisionnelle de livraison », autorisation de mise sur le marché des vaccins, consultations médicales prévaccinales (obligatoires) afin que le consentement puisse être éclairé, recueil des consentements, communication par l’EHPAD à l’ARS du nombre nécessaire de doses, et enfin livraison des doses. Il est d’autre part indiqué qu’en cas de tutelle légale l’accord du tuteur sera nécessaire. Rien n’est demandé au résident.

Le 23 décembre, les familles reçoivent une lettre annonçant l’autorisation du vaccin Pfizer, et indiquant que l’établissement attend l’avis de la HAS (Haute Autorité de Santé), les modalités de recueil du consentement et le protocole de vaccination du gouvernement. Après quoi, l’avis du Conseil de la vie sociale (CVS) de l’EHPAD sera sollicité. Le 4 janvier, la tutrice reçoit par courrier copie du document (périmé) du 14 décembre, sans commentaire ni demande non plus.

A la date du samedi 9 janvier, absolument rien de nouveau n’est intervenu, ni la consultation médicale ni la demande de consentement auprès du résident ou de la tutrice. Nouvelles prises, le directeur de l’EHPAD en question est en vacances jusqu’au 11 janvier ! Ce n’est donc qu’après cette date que le processus décrit plus haut commencera à se mettre en branle. Vaccination vers la fin du mois ? Les instructions du ministère datent maintenant de presque un mois, et l’autorisation du vaccin Pfizer du 21 décembre.

Une autre expérience, comique celle-là, est rapportée par un média. Un médecin vient voir une résidente d’un EHPAD. Cette personne n’ayant pas toutes ses facultés, le médecin lui fait valoir tout l’intérêt qu’il y aurait à se faire vacciner, lui indique que sa famille est d’accord, et ils conviennent de se revoir le lendemain. Le médecin revient donc le lendemain et rappelle leur conversation de la veille, que la patiente dit (honnêtement ?) ne pas du tout se rappeler. Nouvelle séance de persuasion, au terme de laquelle la patiente finit par donner son accord, mais elle y met une condition : qu’on lui offre une coupe de champagne. On mit donc le champagne au frais (Bien joué quand même !) et la vaccination put enfin avoir lieu. Et nous sommes 67 millions !

 

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