La présente étude permet d’affiner plusieurs études antérieures sur l’emploi marchand en France, comparé à nos voisins nordiques, Royaume-Uni et Allemagne. Comme les études précédentes, on constate qu’à population égale, ces deux pays ont environ 20 à 35% d’emplois marchands de plus que la France, que l’on considère les emplois ou bien les heures travaillées. Cet écart se reflètent dans les taux de prélèvements obligatoires, individuels ou des entreprises, ce qui pénalise la compétitivité de l’économie française.
L’étude compare les emplois marchands français à ceux de l’Allemagne et du Royaume-Uni. A population égale, le déficit est de 7 millions par rapport à l’Allemagne et de 4 millions par rapport au Royaume-Uni. Pour 100 emplois marchands en France, l’Allemagne en a 136 et le Royaume-Uni 121. On trouve ce résultat en soustrayant de l’emploi total les emplois publics non marchands (cf. tableau ci-dessous).
2010 | France | Allemagne | Royaume-Uni |
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Total emplois[1] | 25,7 | 38,7 | 28,9 |
Emplois publics (entreprises publiques exclues) | 6,3[2] | 4,4[3] | 5,7[4] |
Emplois marchands | 19,4 | 34,3 | 23,2 |
Emplois marchands à population égale[5] | 19,4 | 26,3 | 23,5 |
Emplois marchands France base 100 | 100 | 136 | 121 |
Or,si nous avions comme les Britanniques ou les Allemands 4 à 7 millions d’emplois marchands de plus, le déficit du budget n’existerait plus.
Environ 26% des emplois sont à temps partiel en Allemagne et au Royaume-Uni contre 18% en France[6]. Mais la comparaison des heures travaillées totales (données OCDE) pour enlever le biais du temps partiel modifie peu le constat de déficit. En convertissant les heures travaillées marchandes en équivalent temps plein, il reste un écart de plus de 30% entre la France et nos voisins allemands et britanniques.
Le chiffre pour le Royaume-Uni (nombre d’heures travaillées très élevé) comparé à l’Allemagne est assez surprenant, il peut s’expliquer par une productivité allemande plus élevée. Au final, cela fait un écart en heures travaillées par rapport à la France de 30 à 40%, écarts qui expliquent les prix de main d’œuvre 30% plus élevés en France et donc notre plus faible productivité.
2010 | France | Allemagne | R.U. |
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Total heures travaillées[7] | 37 976 | 54 543 | 47 811 |
Heures travaillées à population égale[8] | 37 976 | 43 136 | 49 868 |
Heures travaillées marchandes à population égale | 28 650 | 38 199 | 39 986 |
Heures travaillées marchandes à pop. égale avec la France en base 100 | 100 | 133 | 140 |
Emplois marchands en équivalent temps plein[9] à population égale | 16,1 | 21,5 | 22,5 |
Le différentiel de chômage et d’emplois publics n’explique en réalité qu’une petite partie de notre déficit d’emplois marchands. Il se trouve en fait dans un taux d’inactivité en France qui dépasse largement celui de nos voisins. Le tableau suivant montre la répartition de la population en âge de travailler pour les trois pays :
2011 | France | Allemagne | Royaume-Uni |
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Emplois à temps plein | 53 | 54 | 52 |
Emploi à temps partiel volontaire | 8 | 15 | 15 |
Emploi à temps partiel involontaire | 3 | 3 | 3 |
Chômeur au sens du BIT | 6 | 5 | 6 |
Inactifs désirant travailler | 3 | 4 | 6 |
Inactifs ne désirant pas travailler | 27 | 19 | 18 |
Source : Eurostat
Cette différence s’explique en fait exclusivement par les extrêmes (15-24 ans et 55-64 ans) : leur taux d’inactivité en France est beaucoup plus élevé[10] et dans leur immense majorité ils ne désirent pas travailler[11]. Pour la tranche 15-24, on peut faire l’hypothèse que les étudiants français sont plus nombreux à vouloir se consacrer exclusivement à leurs études. Pour la tranche des 55-64 ans, on sait que la retraite en France se prend plus tôt (âge moyen de sortie du marché du travail en France : 60,2 ans contre 62,4 en Allemagne et 63,0 au RU[12]). Au total, les français travaillent en moyenne presque 3 ans de moins que les Allemands et presque 4 ans de moins que les Britanniques (34 ans en moyenne contre respectivement 37 et 38 ans[13]).
On voit donc ici que parler du chômage, c’est parler seulement de la partie émergée de l’iceberg. La partie immergée se trouve dans les inactifs ne désirant pas travailler.
Contrairement à la conclusion que l’on pourrait tirer en regardant l’emploi partiel par rapport à l’emploi total, les chiffres basés sur la population en âge de travailler montrent que les emplois à temps partiel en Allemagne et au Royaume-Uni se surajoutent à une population à temps plein, la même qu’en France. Ils ont donc été plus habiles à multiplier leur temps partiel et d’ailleurs l’emploi à temps partiel volontaire chez eux est le double de l’emploi à temps partiel volontaire[14] français alors que le temps partiel subi est le même. Le temps partiel, loin de présenter un handicap, a donc été une force permettant le travail d’une proportion plus large de la population et donc une plus grande répartition des charges pour une meilleure compétitivité.