Le CDI est très protecteur pour les salariés ayant la chance de travailler sous ce contrat. Mais le prix de ce privilège est très cher payé par les autres.
Si les gouvernants communiquent beaucoup sur le stock net des emplois et des chômeurs, il n’est pas inintéressant pour autant de s’intéresser aux flux internes d’entrées et sorties dans les statistiques mensuelles de Pôle emploi publiées par la Dares. Lorsque l’on regarde ces chiffres, on est tout d’abord surpris par le flux extrêmement important d’entrées et de sorties dans les différentes catégories de demandeurs d’emplois. Ainsi si l’on regroupe les demandeurs d’emplois des catégories A, B, et C[1], on constate qu’il y en a chaque mois 530.000 qui s’inscrivent à Pôle Emploi, tandis que 500.000 en sortent également chaque mois[2].
Sur ces chiffres, on constate ensuite que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la part des licenciements est très faible, soit environ 50.000 demandeurs d’emplois rentrant. Si on ajoute les ruptures conventionnelles, on arrive à 80.000 par mois en moyenne. Le premier poste des entrées est en réalité celui des personnes arrivant en fin de mission de CDD ou d’intérim, à hauteur d’environ 150.000 par mois. Quand on sait que désormais, la durée moyenne d’un CDD est de 26 jours, ce chiffre n’est pas étonnant.
En réalité, ce sont donc les mêmes personnes qui tournent chaque mois, dans une situation finalement assez intenable pour ces salariés, sans permettre par ailleurs une turbulence positive de l’économie. On a d’un côté 87% de travailleurs en CDI, très peu flexibles pour s’adapter aux besoins des entreprises, et de l’autre côté 13% de salariés obligés d’être ultra-flexibles, surcompensant la rigidité du contrat en CDI censé être la norme. En cause la fameuse « cause réelle et sérieuse » dont les tribunaux se sont arrogé le droit de juger, à la place de l’employeur, si tel était le cas ou non, en cas de licenciement d’une personne en CDI.
Ainsi, on peut se réjouir d’avoir en France 14 millions de salariés du privé en CDI, mais c’est au prix de 2 millions de personnes en CDD ou intérim, auxquels il faut ajouter 3 millions de chômeurs officiels et environ 2 millions de chômeurs découragés[3], soit au total 7 millions de personnes qui peinent à vivre de leur travail.
Il est donc frappant de constater comment les politiques de protection du salarié, notamment à travers une jurisprudence de plus en plus dure, ont fini par produire l’inverse, à savoir un chômage et une inactivité persistants malgré la reprise, et un grand nombre de travailleurs précaires. Les chiffres de l’INSEE attestent par ailleurs que la situation ne cesse de se dégrader. En 2011, les CDD ou les missions d’intérim représentaient 9 embauches sur 10. Par comparaison, en 1982, c’était 1 embauche sur 3 :
Part des différents types de contrat dans les embauches, en flux
Source : graphique tiré de l’enquête Emploi et salaires de l’INSEE, édition 2014.
Comme le mentionnait le prix Nobel Jean Tirole, la liberté de licencier – si elle s’accompagne d’indemnités - revient à un système paradoxalement plus vertueux car celui-ci « protège plus le salarié que l’emploi ».
Employeur, je ne peux que confirmer tout cela... Il y a un parallèle à faire avec le marché de la location de logements. Le locataire est surprotégé par rapport au propriétaire, ce qui a fini par créer une pénurie de logements, car ce n'est plus intéressant de louer, ni d'investir et ou de construire pour louer. Le contrat en CDI provoque la même chose, et je fais tout pour l'éviter : CDD, intérim, sous traitance, achats à l'étranger.
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