Accueil » Sortir l’Europe du chômage : une vision prophétique de 1985

Sortir l’Europe du chômage : une vision prophétique de 1985

par Bernard Zimmern
14 vues

L’Europe traverse actuellement une crise grave comme le rappelaient les participants à la réunion du Parlement européen où François Hollande a pris la parole le 5 février 2013; avec un chômage à 11,8%, l’Europe est à l’unisson de la France.
Que faire ?

Il est bon de relire un article absolument prophétique et totalement d’actualité dans son diagnostic et ses recommandations, publié en 1985 par David Birch, le fondateur de la démographie des entreprises, dans la Siemens Revue sur « l’Entreprenariat et l’innovation dans les économies de l’Ouest »[[Entrepreneurship and Innovation in Western Economies Professor David Birch. MIT. Cambridge MA USA publié dans Siemens Review LII 1985]].

David Birch notait en introduction qu’«en étudiant l’histoire de 5,6 millions d’entreprises établies aux USA depuis 1969, on était frappé par un taux énorme de renouvellement et d’échec. Les Etats-Unis perdent 8 à 10% de leurs emplois et de leurs entreprises tous les ans. Ceci signifie que seulement pour rester étale, les Etats-Unis doivent remplacer la moitié de leurs emplois tous les 5 ans. »
Pour ceux qui se plaignent de la disparition des industries de fabrication en France, il indiquait :

« Cela a été originellement identifié comme un glissement de l’industrie de fabrication vers les services, et c’est en effet une partie du problème. Aux USA, nous avons créé presque 30 millions d’emplois depuis 1968 [[on rappelle que l’article est de 1985]] et pas un seul dans les industries de fabrication. Nous avons le même nombre d’emplois dans les industries de fabrication qu’en 1968.(…) ce qui arrive est un glissement des muscles et de la dextérité vers les cerveaux comme le premier composant du succès ». Muscles et dextérité étaient les qualités premières exigées dans les fabrications mécaniques lourdes alors que pour les services, c’est le cerveau.

Il continuait (Oséo, René Ricol, Arnaud Montebourg, écoutez) :

« moins connu est le fait que la high tech représente une très petite partie de notre économie. Elle ne représente pas plus de 3% de nos emplois- et diminue plutôt que n’accélère. En effet, la high tech n’est pas le salut ; elle créera au maximum 5% des 12 à 14 millions d’emplois nouveaux dont les Etats-Unis auront besoin d’ici 1990.
La croissance rapide viendra de l’application de la technologie pour créer de nouveaux services qui ne s’appuient sur aucun produit manufacturé. Dans cette catégorie figurent les logiciels pour ordinateurs, la finance, l’éducation, les services de télécommunication, le conseil, la santé, les banques de données, de nouvelles formes d’assurance, de nouvelles formes de distribution, de nouvelles formes de gestion des hôpitaux, et même de nouvelles formes de collecte d’ordures
» .
Birch ne fait pas de la cartomancie ou de la lecture dans le marc de café mais utilise les données statistiques qu’il a extraites du fichier Dunn et Bradstreet sur 5,6 millions d’entreprises pour voir les évolutions. Les statistiques du Département du Travail sur les 20 ans suivants lui ont donné entièrement raison. Ce n’est pas dans la high-tech que se développera l’emploi mais dans des secteurs très traditionnels comme la restauration ou la réparation automobile où l’introduction des nouvelles technologies de la communication va faciliter l’arrivée de nouveaux entrants.
David Birch va même jusqu’à mettre en cause le credo de ceux qui s’obstinent à justifier la nécessité de réindustrialiser sur la balance des exportations. Il montre que les « invisibles »ont pris une place que les balances commerciales, essentiellement fondées sur les statistiques des douanes, ignorent.

«L’Amérique est devenue si bonne dans ces domaines que nous en tirons comme nation l’essentiel de notre richesse. Nous exportons 60 à 70 milliards de produits de l’esprit par an pour un solde net de 35 à 40 milliards. Cette balance positive des produits du cerveau, dont on parle peu, efface notre déficit croissant de la balance commerciale. »

Il conclut sur les conséquences structurelles gigantesques qui ont affecté l’économie américaine lors du remplacement d’une économie de fabrications par une économie de la cervelle :

« Ces changements affectent la structure du monde des entreprises. L’économie de la cervelle offre d’énormes possibilités pour les innovations dans la création d’entreprises. Les seuils d’entrée sont bas. Il en résulte un accroissement des créations. En 1950, nous créions annuellement environ 90.000 firmes par an. En 1965, ce nombre était monté à 200.000, en 1975 à 300.000 et depuis 1980, plus de 600.000 nouvelles entreprises ont vu le jour chaque année [[660.000 en 2008, entreprises naissant avec au moins 1 salarié et sans compter celles naissant sans salarié]]. Ces chiffres n’incluent pas les partenariats et les créations d’entreprises sans salarié. Si on les inclut, il se crée chaque année plus d’un million de nouvelles structures entrepreneuriales. ».

On retrouve l’une des découvertes essentielles de David Birch qui secoua l’Amérique à la fin des années 1970 et qui n’a pas encore pénétré dans le psychisme de nos dirigeants : l’emploi n’est pas créé par les grandes entreprises dont beaucoup disparaissent, mais par les petites et très petites : «Ces nouvelles, plus petites firmes créent la majorité des nouveaux emplois aux Etats-Unis. Elles génèrent quelque part entre 50% et 80% de tous les nouveaux emplois créés dans l’économie US – et, parfois, 100%. Pendant ce temps, les plus grandes entreprises, enfermées dans de plus vieux secteurs industriels, ralentissaient. Nos 500 plus grandes entreprises (Les Fortune 500) emploient 1,5 million de personnes de moins qu’il y a 10 ans, et environ 2,5 à 3 millions d’Américains de moins car elles les remplacent par des travailleurs étrangers. Ces grandes entreprises elles-mêmes ont un taux de mortalité élevé. Environ un tiers d’entre elles sur la liste de 1970 avaient disparu en 1981 (…) ».

Et après avoir passé sur le cas du Japon, il aborde celui qui nous intéresse, celui de la Communauté Economique Européenne (CEE) en se servant du référentiel américain et c’est là où le diagnostic devient passionnant :

« La CEE cependant, apparaît en fort contraste avec les Etats-Unis. Je remarque que la CEE passe par les mêmes changements fondamentaux, mais avec une très grande aversion au risque et avec une beaucoup plus grande protection de l’individu. En conséquence de quoi, les nations de la CEE montrent beaucoup moins d’entreprenariat. Les blocages sont beaucoup plus grands et les gains beaucoup plus faibles. Les choix des jeunes diplômés en sont révélateurs. Seulement 1,7% des diplômés d’universités hollandaises vont travailler dans des petites entreprises, tandis que 75% des diplômés de la Harvard Business School (qui les prépare d’abord à travailler dans de grandes corporations) finissent par posséder ou gérer une petite entreprise dans les 10 ans qui suivent leur diplôme. Si j’avais 22 ans et que j’étais hollandais, et que Philips m’offrait un emploi sûr pour la vie avec un gros salaire, et que lancer une entreprise signifiait d’avoir à surmonter d’énormes barrages fiscaux, et de perdre toute réputation en cas d’échec, il est clair que je prendrais l’emploi chez Philips. »

A suivre.

Tu pourrais aussi aimer

Laissez un commentaire

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d’accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus

Privacy & Cookies Policy