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SNCF : Vingt ans après, un historique parlant de passe d’armes continuelles

par Bertrand Nouel
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La réforme des retraites est l’occasion de nouvelles passes d’armes entre le pouvoir et la SNCF, et de reproches faits au gouvernement pour n’être pas capable de dialogue permettant de parvenir à un consensus. Quelle que soit la mauvaise préparation de la réforme, il faut quand même reconnaître à la décharge du gouvernement une impossibilité de dialogue avec des syndicats à la recherche incessante de nouveaux privilèges, et jamais prêts à la moindre concession. Petit historique.

-7 juin 1999. La première loi Aubry a un an à peine, et un accord national de 35 heures est passé, bientôt transcrit par décret par le gouvernement, fixant la durée annuelle du travail à… 1.561 heures par an, soit 39 heures de moins (plus d’une semaine) que la durée légale : ça commence mal ![[Certains conducteurs travaillaient déjà en 1999 35 heures au moment où tout le monde travaillait 39 heures, pour cause de pénibilité. L’instauration des 35 heures a consisté à leur donner plus d’une semaine encore de congés. Parce que le passage aux 35 heures pour tous a accru la pénibilité des cheminots qui en bénéficiaient déjà ?!]]

-Février 2010. Rapport de la Cour des comptes : « La mise en œuvre de la réforme des 35 heures entre 1999 et 2001 a eu des conséquences, tant sur le volume des effectifs de la SNCF que sur la durée réelle du travail au sein de l’entreprise. Elle a entraîné une hausse des effectifs estimée entre 7.000 et 7.500 agents. La SNCF a ensuite renoué à partir de 2001, avec la tendance de longue période de diminution des effectifs de l’entreprise que la réforme des 35 heures avait eu pour conséquence d’interrompre momentanément… Cette réforme, de façon incidente, est venue consolider à la SNCF des durées réelles de travail sensiblement inférieures à la durée théorique imposée par la loi. En 2008, les conducteurs de ligne travaillent effectivement 6h14 par jour, soit 1h35 de moins que la durée de travail théorique… Une analyse comparative des heures de travail à la SNCF par rapport à celles accomplies par les personnels d’autres opérateurs ferroviaires en Europe [allemand (DB), autrichien (ÖBB), italien (CCNLFS), luxembourgeois et suisse (CFF)], fait apparaître, dans l’ensemble, une situation nettement plus favorable aux agents de la SNCF. Selon cette étude, commanditée par la SNCF, il en est ainsi pour la plupart des indicateurs : durée maximale journalière du travail effectif, amplitude de la journée de service, durée de repos journalier, durée hebdomadaire de travail, ou encore durée maximale de conduite ininterrompue.

Décembre 2015, déclaration du président Pepy : « Nous avons à renégocier à la SNCF la façon de faire les 35 heures pour que nos 35 heures soient plus efficaces. Plus efficaces dans l’intérêt des clients, pour avoir des trains plus à l’heure, plus fiables, moins chers. Il n’y a pas d’autre stratégie possible que de faire baisser les coûts ». Les cheminots ont 22+3 jours de RTT.

Début 2016. Grève à la SNCF. Le 9 juin, Nicolas Sarkozy, président, déclare : « Cette grève est un scandale, les Français ont été durement éprouvés par les inondations, les Français attendent avec impatience l’Euro et voilà que la CGT et un certain nombre de syndicats minoritaires décident de bloquer le pays pour des raisons corporatistes. Car il faut dire la vérité : la réforme conduite par Guillaume Pepy, le président de la SNCF, était une bonne réforme qui avait un objectif assez modéré qui consistait à demander aux conducteurs de train et aux cheminots de travailler 35 heures, parce qu’ils ne travaillent pas 35 heures ».

14 juin 2016, le couteau sous la gorge, un nouvel accord collectif sur le temps de travail est cependant négocié. Il est pire que l’ancien, toujours 1.561 heures (Voici ce qu’en pense trois ans après, la Cour des comptes dans son rapport du 18 novembre 2019 sur la « gestion des ressources humaines » du groupe. Elle qualifie l’accord d’entreprise de « très désavantageux » et relève que « La négociation de l’accord d’entreprise était l’occasion de remettre en cause un certain nombre de règles d’organisation du travail, peu adaptées aux évolutions des métiers du GPF (groupe public ferroviaire) et dont le différentiel avec la convention collective pouvait engendrer un écart de compétitivité significatif entre le GPF et ses principaux concurrents. Or, le résultat a conduit à conserver en quasi-totalité l’ancien règlement (RH0077), dont le GPF estime le surcoût par rapport à l’accord collectif de branche à 200 M€ pour l’ensemble des personnels, roulants et sédentaires. De surcroît, le GPF souffre d’un nombre important d’accords locaux au niveau des directions régionales ou le plus souvent des établissements, négociés dans le passé, et qui viennent peser encore plus sur la productivité que le RH00. La Cour détaille toute une série de points de désavantage : outre le temps de travail (1.568 heures, 14 jours de moins que spécifié par la convention collective !!), nombre de journées de conduite diminué de 15%, temps de conduite trop faible, encadrement des repos (les fameux « 19 heures fin de service »), etc.

7 octobre 2019, déclaration du nouveau président Farandou : »À la SNCF se sont sédimentés au fil des décennies des tas de petits accords locaux qui ont pour effet que les gens travaillent moins que 35 heures. Ça, on n’en a plus les moyens », a-t-il lancé. « On a peut-être pu le faire à une époque, on ne le peut plus. »

19 novembre 2019, voici comment la CGT cheminots apprécie le rapport de la Cour des comptes : « un condensé de raccourcis et d’inepties » … un travail de « contrôle de gestion de petit comptable ». « la Cour n’a plus aucune crédibilité à nos yeux », se comportant « de plus en plus comme une officine de promotion du libéralisme économique ».

Nous nous sommes contentés de rappeler l’historique du temps de travail. Il est certain que l’énorme responsabilité du cafouillage est portée par la Gauche au pouvoir en 1999, qui ne se contente pas des 35 heures et offre un cadeau parfaitement injustifié aux syndicats (voir la note). Un dommage qui, tels les papiers du capitaine Haddock, colle toujours identiquement à la SNCF, vingt ans, plusieurs gouvernements et présidents de la SNCF, après.

Parvenir à un consensus dans de telles conditions ? La dernière réflexion de la CGT cheminots, qui exprime sa détestation et son mépris à l’égard d’une institution de la République comme la Cour des comptes, et ce, sur la base d’une « accusation » de nature très précisément politique (« officine de promotion du libéralisme »), donc en principe interdite à un syndicat, répond, mille fois hélas, à la question.

 

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