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Réduire la dépense publique : explication d’un échec

Devant l’incapacité de la Cour des comptes à fournir un diagnostic concret et suivi d’effets, plusieurs réformes ont tenté de donner au Parlement un pouvoir d’évaluation des politiques publiques similaire à celui du National Audit Office britannique. Mais faute de moyens et de volonté politique suffisante, les dispositifs en question se sont révélés incapables de remplir la mission pour laquelle ils ont été créés.

Nous avons expliqué dans un précédent article par quel processus la Cour des comptes britannique obtient aujourd’hui une certaine « value for money » de la dépense publique. D’après ses estimations, pour une livre qu’elle coûte au contribuable britannique, elle en économise neuf grâce aux recommandations qu’elle formule et dont elle suit l’application. Au cas même où cette estimation serait surévaluée –ce qu’affirment certains détracteurs – elle ne prend pas en compte l’effet incitatif a priori que constitue la mise sur le grill régulière des directeurs d’administrations, ce qui ne peut pas par définition être évalué.

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Malheureusement, notre Cour des comptes française se révèle incapable de faire un travail similaire, en raison d’un personnel fonctionnaire et non formé à l’audit d’une part, du fait que ni l’administration ni le gouvernement n’a l’obligation de se positionner sur ses recommandations d’autre part. Outre ces différences, notre Cour des comptes est un organe judiciaire, à la différence du NAO directement rattaché au Parlement.

Suite à la parution en 1999 d’un rapport sur le contrôle parlementaire et l’efficacité de la dépense publique, une certaine prise de conscience de ces insuffisances s’opère pourtant en France. Elle explique entre autres la création de la loi organique des lois de finances (LOLF), dont la constitution et le suivi est censé permettre une meilleure évaluation de l’efficience des politiques publiques. Mais elle fut surtout l’occasion de créer « une structure chargée d’entendre les responsables politiques et administratifs sur la gestion de leur crédit » ainsi que de mener « des investigations approfondies sur des politiques publiques sectorielles ».[1] C’est ainsi que fut mise en place la Mission d’Évaluation et de Contrôle (MEC), s’inspirant ouvertement du NAO britannique.

Cette structure a cependant présenté d’emblée un certain nombre de handicaps, jamais résolus par la suite, ce qui explique le peu de résonance de ses travaux. Elle constitue tout d’abord une sous-commission temporaire, et non une commission permanente. Le nombre de commissions permanentes étant fixé par la Constitution, en modifier le nombre aurait en effet nécessité une révision constitutionnelle. La MEC est donc une émanation de la Commission des Finances, et son travail s’effectue seulement au premier semestre de l’année, étant accaparée de toute manière par le PLF en deuxième partie d’année.

Cette mission présente la particularité d’être coprésidée par un député de la majorité et un député de l’opposition, ses 16 membres appartenant à la Commission des finances et étant désignés par les groupes politiques, à parité entre majorité et opposition. Le président de la commission et le rapporteur général en sont membres de droit et les autres commissions permanentes peuvent demander à certains de leurs membres d’y participer. La LOLF confère en outre à la MEC les pouvoirs étendus reconnus aux rapporteurs spéciaux pour convoquer des témoins et se faire communiquer tous documents, sous la seule réserve des sujets à caractère secret[2].

Les rapporteurs membres de la MEC disposent cependant de trop peu de moyens pour mettre en œuvre le contrôle sur pièce sur place. En l’absence d’un budget propre ni de personnel dédiés – par comparaison, le NAO compte plusieurs centaines de collaborateurs pour cette tâche- ses rapports s’inspirent beaucoup de ceux de la Cour des Comptes, dont la MEC est souvent le commanditaire mais dont nous avons vu les limites[3]. Les rapporteurs de la MEC ont la possibilité de procéder à des d’auditions mais celles-ci donnent en général peu de résultats. Les administrations ne subissent pas une « mise sur le grill » publique et elles envoient souvent des subalternes peu au fait des sujets explorés. Malgré sa bonne volonté, la MEC ne fait donc que très peu parler d’elle, donnant –dans la lignée de la Cour des comptes – des conclusions de faible portée et n’attirant l’attention d’aucun grand média.

Au vu peut-être de ces insuffisances, une autre instance a été mise en place dix ans plus tard. C’est en 2009 dans la lignée de la réforme constitutionnelle qui confirme au Parlement sa mission d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, qu’a été créé le Comité d’Évaluation et de Contrôle (CEC). Bernard Accoyer avait réussi à faire voter un changement du règlement intérieur de l’Assemblée nationale pour permettre au CEC de faire presque l’équivalent du PAC, malheureusement plusieurs limitations très importantes ont été apportées par le Conseil Constitutionnel.

Ainsi, le domaine de compétences du CEC le limite seulement à ce qui n’est pas du champ de compétence des commissions permanentes, il ne peut donc s’occuper que de politiques publiques transversales, qui doivent toujours concerner plusieurs domaines. Par ailleurs, le CEC ne peut pas convoquer directement un directeur d’administration centrale. Sous réserve de l’accord du ministre, il ne peut le faire que pour obtenir des informations. Cela provient de l’idée que la mise en œuvre gouvernementale ne doit pas être mise en cause trop fréquemment, le Conseil Constitutionnel ayant voulu protéger à la fois le gouvernement et les commissions permanentes, en leur évitant toute concurrence.

Cette nouvelle instance présente en outre les mêmes défauts que la MEC : quasi absence de moyens financiers (budget d’un million d’euros annuels contre plus de 200 millions d’euros pour la Cour des Comptes) et donc pratiquement aucun personnel dédié indépendant et spécialiste de l’audit de performance. Il n’y a quasiment que des parlementaires[4] qui y travaillent, ce qui explique le faible rythme de publication du CEC ainsi que le caractère un peu trop général de ses conclusions. Par ailleurs, si l’obligation a été faite au gouvernement de prendre position sur les propositions du CEC, on n’en trouve trace nulle part sur la rubrique du site de l’Assemblée nationale dédiée au CEC.

A quand une vraie réforme constitutionnelle pour créer enfin le NAO français ?

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Vos réactions à cet article (3) :

Réduire la dépense publique : explication d’un échec

le 3 juillet 2014, 08:49 par Paul CHARLOT

Votre papier est, à mon avis, aussi technocratique que les commissions qu’il critique.
On ne réduira pas la dépense publique par des contrôles et des contrôles de contrôle.
On ne le réduira que par la volonté politique d’un gouvernement appuyée sur la volonté politique d’une majorité de citoyens privilégiant le bon état du pays plutôt que leur situation personnelle.
Cela vaut pour François Hollande, pour les directeurs d’administration centrale, pour la cour des comptes, pour les députés, pour les cheminots, pour les entrepreneurs, pour le salariés pour les retraités, comme pour moi.

Contrôle par les citoyens eux mêmes, 5% du budget

le 4 juillet 2014, 08:21 par Jean Hugues Robert

Espérer un gouvernement vertueux composés d’invididus honnêtes et droits, voilà bien la recette pour obtenir le contraire. Mieux vaut combattre la corruption qu’espérer la voir par magie disparaitre.

Si l’on veut contrôler efficacement l’usage de l’argent public, il faut que ce contrôle soit effectué à tous les niveaux (y compris donc le contrôle des controleurs eux-mêmes) par des agents incorruptibles, car indépendants, tirés au sort fréquément, grassement payés et dotés de moyens conséquents, de l’ordre de 5% du budget de la nation ; des agents ayant l’obligation de saisir des juges en présence d’indices de malversation.

Tout autre mesure est une mesurette destinée à calmer une opinion que la corruption des gens de pouvoir exaspère.

Réduire la dépense publique : explication d’un échec

le 4 juillet 2014, 12:43 par Colette Lanson

Je partage l’avis des deux commentateurs de cet article. La réduction de la dépense publique est avant toute autre chose une affaire de volonté politique. .. mais ces deux derniers mots ne sont-ils pas devenus antagonistes ?


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