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Qui sont les très riches Américains ?

par Bernard Zimmern
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Contrairement aux croyances largement répandues, le centile le plus riche des Américains n’est pas constitué des financiers de Wall Street mais aux trois quarts d’entrepreneurs individuels, à la tête d’entreprises non incorporées.
Ils ont débuté leurs entreprises sans s’embarrasser de statuts et sont parvenus dans le premier centile des plus riches par leur travail et en économisant.
Mais ils possèdent plus de la moitié de la fortune industrielle des États-Unis et c’est donc d’eux que dépendent la croissance et l’emploi.
Ceci peut expliquer la faible reprise de l’activité américaine malgré les vannes du crédit ouvertes par la Banque Fédérale si ces entrepreneurs n’ont pas confiance dans leur gouvernement et ne veulent plus prendre de risques.

Un débat clé pour l’avenir de nos sociétés occidentales.

Ce débat a agité et continue d’agiter l’Amérique puisque Barack Obama réclame une taxation spéciale des millionnaires et qu’il est même question d’instituer aux USA un impôt sur la fortune.
Un débat qui concerne la France.
Il n’aurait en effet guère d’incidence s’il s’agissait seulement de couper le superflu et, comme le suggèrent rien moins que deux prix Nobel, de punir les plus riches qui vivraient, au mieux d’une rente, au pire de l’exploitation de la sueur et du sang des plus pauvres.
Le hic, c’est que ce sont précisément les plus riches qui sont responsables de plus de la moitié de l’investissement dans les entreprises et l’emploi. Comme dans probablement la quasi-totalité des pays de l’Ouest. Et que comme l’a fort bien rappelé l’OCDE, la lutte contre les inégalités commence par un travail : «L’emploi est la voie la plus prometteuse pour réduire les inégalités. Le principal défi consiste à créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, offrant de bonnes perspectives de carrière et des chances réelles d’échapper à la pauvreté »[[ OCDE (2011) Toujours plus d’inégalité : Pourquoi les écarts de revenus se creusent www.oecd.org/els/social/inegalite]].

Les très riches Américains sont aux trois quarts, des entrepreneurs individuels, non incorporés.

Pour savoir qui sont réellement ces super-riches, accapareurs ou fainéants, Il est intéressant de se plonger dans les travaux d’un chercheur, Edward N.Wolff, qui figure parmi ceux qui traque les inégalités depuis près de 20 ans.
Pour chiffrer la fortune des Américains et sa composition en fonction du niveau de fortune, il s’appuie sur les enquêtes du Survey of Consumer Finances effectué par le Federal Reserve Board, publiées tous les 2 ans et portant sur environ 5.000 ménages (avec échantillonnage spécial sur les ménages les plus riches pour tenir compte de leur petit nombre). Un des intérêts de ces enquêtes est qu’elles se sont répétées depuis 1983 et que le chercheur les commente et les analyse tous les 2 ans depuis 1994.
Ses travaux sont d’autant plus crédibles que Wolff appartient plutôt au clan des égalitaristes, comme d’autres membres de son université semble-t-il, qu’au clan des entrepreneurs.
Dans un rapport de 2010, il dévoile que 73,8% du patrimoine du 1% les plus riches [[Pour éviter toute ambiguïté, il écrit lui-même que les très riches sont les 1% les plus riches, pas les 10% ou tout autre décile.]] sont dans des « unincorporated business » [[table 6 page 49« Recent Trends in Household Wealth in the United States » 2010 Edward N. Wolff. Levy Economics Institute of Bard College]], que nous croyons pouvoir traduire par entreprises individuelles, ces entreprises que leur fondateur n’a même pas constituées en sociétés à leur création mais tout simplement débuté en offrant ses produits ou services et qui sont restées sans statuts.
Le grand public non averti pourrait penser que la fortune industrielle américaine est dans les grandes entreprises cotées, les Google, General Electric, les 40 entreprises du Dow Jones ou les 100 du Nasdaq. Erreur. Elles ne constituent que 11,8% du patrimoine total américain et 16,8% si l’on inclue les actions indirectement détenus à travers les fonds de pension, les OPCVM, etc. contre 20,1% [[page 16, ibid]] pour le patrimoine représenté par les entreprises individuelles
Plus de la moitié du patrimoine industriel américain est donc dans des entreprises non incorporées. De même d’ailleurs qu’en France.

Dans son rapport 2010 sur les patrimoines 2007, Wolff confirme que les très riches américains sont ces créateurs d’entreprises individuelles, par cette phrase remarquable : « a somewhat startling 74 percent of the very rich reported owning their own business » [[page 16, même document]].

Pourquoi les entrepreneurs individuels représentent 75% des plus riches Américains.

C’est que la plus grande partie de la richesse d’une nation n’est pas créée par des élèves de grandes écoles ou universités, qui cherchent généralement des carrières sures au sein de grands groupes mais par des autodidactes qui, flair ou accident, débutent une activité en affichant simplement un panneau et ne s’embarrassent pas de statuts beaucoup trop compliqués ou coûteux. À force de travail et d’économies, leur activité grandit et ils finissent, aux USA, par constituer plus de 50% de l’actif industriel.

On en trouve confirmation dans les travaux d’un autre chercheur [[« Entrepreneurship, Business Wealth, and Social Mobility » par Gabriel Basaluzzo UT Austin / ITAM]].
C’est qu’un entrepreneur individuel ne peut généralement compter que sur lui-même – et son entourage familial –, pas sur les institutions financières, pour survivre en cas de retournement de la conjoncture économique et qu’il est donc conduit à accumuler de la richesse, à épargner, à s’enrichir au maximum, en vivant s’il le faut chichement, comme Sam Walton, le fondateur de la plus grande chaîne de distribution Wallmart qui roula dans sa vieille Ford plus de 20 ans, jusqu’à sa mort.

Les entrepreneurs individuels, le facteur clé de la croissance, qui manque actuellement.

En 2007, c’est pourtant ce 1% des plus riches qui représente 49,3% de toutes les actions et fonds communs de placement, 60,6% des placements financiers, 62,4% du « business equity » [[table 9 ibid]], donc représente plus de la moitié de la fortune industrielle américaine. Page 19 de son édition 2012, Wolff va même plus loin et rappelle que « comme montré tableau 6, les foyers du centile le plus riche (rangés par patrimoine) investissaient plus des trois quarts de leurs économies dans la propriété immobilière, les entreprises, des actions de sociétés et des placements financiers ».

Ce qui nous conduit à penser que si la reprise américaine est si lente et si hésitante malgré les vannes de crédit largement ouvertes par la Federal Reserve, ce n’est pas que les circuits bancaires manquent de capitaux, c’est que les principaux agents de la croissance qui sont ces entrepreneurs américains, qui ont fait leur fortune généralement en partant de rien, ces riches américains n’ont plus confiance dans leur gouvernement et gardent leur fortune plutôt que de la risquer.

 

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