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On ne peut pas appeler think tank n’importe quoi

par Bernard Zimmern
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C’est devenu très à la mode d’appeler n’importe quelle organisation minimale un think tank. Loin de nous l’idée qu’un organisme professionnel délivre un label ; ce serait aussi ridicule que la proposition faite sérieusement il y a quelques années par des parlementaires de faire passer un examen pour permettre à un créateur d’entreprise de s’établir entrepreneur …

Mais il faut faire comprendre au grand public que tout organisme à but non lucratif qui publie n’est pas pour autant un think tank.
Pour mériter ce titre, il nous semble que l’organisation en question devrait satisfaire à un certain nombre de critères :

– Le premier critère est bien sûr d’être à but non lucratif mais aussi d’avoir son indépendance d’opinion garantie par la diversité de ses donateurs. On ne peut en effet considérer comme étude indépendante celle venant d’un groupe où la très grande majorité des ressources proviendrait d’une seule puissance. Ce fut le cas de l’Institut La Boétie, formé par quelques grands groupes de distribution et où un rapport qui pouvait gêner l’un des groupes était prestement enterré. On ne peut donc considérer comme indépendants les deux fondations Gabriel Péri et Jean-Jaurès rattachées l’une au parti Communiste et l’autre au parti Socialiste.
Il nous semble qu’il en va de même d’organismes dont les ressources dépendent majoritairement de l’État. Nous avons pris comme seuil un maximum de 30% des ressources provenant de la puissance publique, ce qui semble être le cas pour l’ensemble de la philanthropie. Au-delà, on peut se poser la question de l’indépendance.
C’est le cas de l’IFRI en France, qui pourtant, à lui seul, réunit presqu’autant de chercheurs que tous les autres think tanks réunis, et dont plus de 30% des ressources sont des subventions ou des contrats provenant d’un organisme d’État.

– Le deuxième critère est d’avoir une équipe de recherche propre de façon à distinguer le think tank des clubs de réflexion dont les membres se réunissent à intervalles plus ou moins réguliers pour écouter des experts ou personnalités extérieures.
Un TT ne peut pas être un ramassis d’avis souvent contradictoires qui n’engagent que leurs auteurs.
Cette équipe de recherche est d’autant plus importante que le TT doit faire parler de lui et donc être plus fort sur les sujets dont il parle que le journaliste qui traite du sujet de façon à être invité par lui à s’exprimer dans le journal ou à la télévision.
Et ces experts formés par le TT seront très souvent les futurs membres d’un cabinet ministériel formé à l’occasion d’un changement de majorité ; ils seront les garants de la réforme du ministre, veillant à ce que, jusque dans les détails, celle-ci ne sera pas émasculée par l’administration chargée de la mettre en œuvre.

– Autre critère, il faut enfin que le TT dispose de ressources lourdes, de donations qui lui permettent de faire travailler des chercheurs pendant des mois, voire des années, sans être dépendant de la rentrée de dons ; en ce sens, les TT diffèrent de ce que nous appelons les associations citoyennes ou les associations de lobbying, comme par exemple Contribuables Associés, qui lancent campagne sur campagne de collectes de fonds, accompagnant généralement des pétitions.

C’est sur ce point que l’Administration française s’est protégée en ne mettant pas les think tanks dans la liste des activités permettant d’émettre des reçus fiscaux de l’article 200 du CGI, et surtout en évitant les dons « lourds » jusqu’à la loi LME de 2008.
C’est pourquoi les TT en France en sont encore aux premiers balbutiements et ont été incapables de lutter contre la montée de la bureaucratie comme ils l’ont fait jusqu’à présent avec succès dans les pays anglo-saxons.

L’une des meilleures évidences du manque de think tanks est un graphique publié dans les Dossiers de l’iFRAP en 1992 (numéro 33 : état de l’invasion bureaucratique) où l’on voit clairement que c’est à partir des années 1960 (invention de la TVA) qu’explose la partie non régalienne de l’Administration, celle qui n’est pas indispensable, car rien ne l’arrête, sauf l’imagination des étatistes et particulièrement des énarques à s’inventer des justifications.

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2 commentaires

Paul CHARLOT juin 9, 2013 - 5:22 pm

On ne peut pas appeler think tank n’importe quoi
Ne peut-on rapprocher cette courbe de la montée en puissance de l’énarchie.
Cette dernière pourrait se mesurer par l’évolution du budget de l’ENA et par le cumul des Enarques en fonction dans l’Etat et ailleurs.
Plus généralement, l’augmentation du budget de l’Etat, du nombre de fonctionnaires, de la masse salariale des fonctions publique et territoriales, de la dette, du chômage devraient se recouvrir.
Ces corelations, si elles sont suffisamment probantes montrent à l’évidence la politique à suivre.
De toutes façons merci d’être un vrai TT !

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Banville mars 13, 2019 - 8:32 am

Think Thank
Lorsque je lis les différentes interventions dans l’EPLF, on s’aperçoit que les responsabilités de l’énarchie sont omniprésentes (de près ou d’un peu plus loin). Depuis 2013 (date de cet excellent article et réaction), les choses ne se sont pas arrangées… => L’ENA est en déficit…
Il y a en France encore des citoyens qui ont les pieds sur terre, qui ont beaucoup de bon sens,
qui ont des idées mais qui sont étouffés ou désespérés par la tournure des évènements.

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