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Mécénat – La réforme Raffarin 2003

par Bernard Zimmern
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Le Premier ministre et cinq de ses ministres publient le 17 décembre 2002 une déclaration annonçant un plan pour la relance du mécénat et des fondations.
Comme tous les étouffements du mécénat qui l’ont précédé, le plan Raffarin commence par se draper dans la défense de la liberté : « libérer l’initiative » « le mécénat, élément essentiel de l’attractivité de notre pays », etc.

Suivent des explications sur la « stagnation du mécénat » qui comportent des erreurs factuelles graves et 12 mesures qui n’ont aucune chance d’atteindre les objectifs du préambule.

Et ce texte a été vu, sinon rédigé, par deux hauts fonctionnaires, tous deux énarques sortis dans la botte de l’ENA, l’un inspecteur des Finances chargé de la Culture auprès du Premier ministre, François de Mazières, l’autre maître des requêtes au Conseil d’État, Olivier Japiot, conseiller technique auprès du ministre de la Culture.

Première tromperie : « le mécénat d’entreprise reste relativement faible (…), représentait en 2000 environ 341 millions d’euros (…) à comparer à ceux d’autres pays, notamment aux États-Unis, où l’apport du mécénat est évalué à environ 217 milliards d’euros en 2001 ». Comparer le mécénat d’entreprise au mécénat total américain peut laisser croire que le mécénat américain est un mécénat d’entreprise.

Pourtant, nos auteurs savent, parce que tout le monde lit la même source, Giving USA, que les dons de sociétés ne sont pas cette année-là de 217 milliards mais de 9,05 milliards, soit seulement 4,3% des dons. Cela va permettre de promouvoir le mécénat d’entreprise alors que le mécénat par principe, on l’a vu, est d’abord un mécénat qui ne se fait pas avec l’argent des actionnaires. Un truquage par amalgame, appris à l’ENA ?

Deuxième tromperie : le texte parle de 12.000 fondations américaines existantes alors qu’elles sont 865.000 dont 46.000 créées cette année-là (page 45 de Giving USA 2002) ou de « 3.000 charity trust » britanniques alors qu’elles étaient 188.000.

Troisième tromperie :« …notre droit des fondations, complexe, est un frein à la constitution des fondations, comme en témoigne leur nombre encore très faible par comparaison avec les autres pays développés ». Bien évidemment, les rédacteurs évitent de dire que l’établissement d’une fondation est libre dans la plupart des pays étrangers, notamment aux USA alors qu’en France, il est limité à une dizaine par an par le pouvoir discrétionnaire de l’Administration. Ils préfèrent expliquer le petit nombre par la complexité juridique alors que le droit des fondations américaines est infiniment plus complexe que le droit français car il a fallu mettre en place un code pour régir un secteur non lucratif qui emploie plus d’une dizaine de millions de personnes et représente plus d’1 trillion de dollars d’activités annuellement.

Faut-il se lancer dans l’analyse des 12 mesures de la loi Raffarin 2003 telles que le relèvement des montants déductibles par les entreprises pour leurs fondations, ou le relèvement du plafond de déduction pour les dons déductibles de l’Impôt sur le revenu à 66% ?
L’interrogation des chercheurs de l’INSEE se demandant pourquoi une telle mesure n’avait eu guère d’effet est une réponse à cette question : avec des prémices aussi faussées, les mesures proposées étaient une esquive, un faire-semblant qui n’avait, dès leur énonciation, aucune chance de produire autre chose que l’effet d’annonce recherché.

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