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Mais qui est donc François Hurel ?

par Bernard Zimmern
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En juin 1999, avec mon ami Michel XXXXX, délégué général d’Entreprise et Progrès, l’association d’entreprises créée par François Dalle, ancien camarade de préparation à Sciences Po de François Mitterrand, futur Président, et d’André Bettencourt, mais aussi le patron génial de L’Oréal, nous décidons de rappeler aux Français que l’entreprise est la niche où se créent des emplois en organisant un colloque à l’Assemblée nationale avec le fier titre que je propose : « créer des entreprises pour créer des emplois ».

Michel obtient de Laurent Fabius, qui à l’époque est Président de l’Assemblée, qu’il accueille ce colloque et nous accorde la salle Colbert le temps d’un après-midi.
J’invite un franco-anglais qui a créé une entreprise, le pH Group, dédiée à une discipline nouvelle, l’établissement de bases de données sur les entreprises. Rolf nous parlera de la réalité des créations d’emploi et de ce que les emplois ne naissent pas dans les grandes entreprises qui en moyenne perdent toutes des emplois, mais dans les très petites.

Je pars au Tennessee rencontrer Robert Gaston, un professeur d’université, qui, dans la période Reagan a réalisé aux États-Unis, sur un budget du Département du Commerce, la seule enquête statistique existant encore à ce jour sur les Business Angels, en couvrant plusieurs centaines de milliers d’entreprises à travers trois vagues d’enquête. Mais Gaston est trop gourmand pour notre budget et je me retourne vers Jeffrey Sohl, professeur à l’Université du New-Hampshire, qui a pris la suite du Professeur William Wetzel, l’inventeur du terme Business Angels et le créateur du Center for New venture qui s’est spécialisé dans leur étude, de venir, tous frais payés, nous parler des Business Angels à ce colloque.

Le colloque se déroule comme prévu. Je suis accueilli à l’estrade par Laurent Fabius, dont l’intelligence transpire dans le regard. Et je préside les travaux jusqu’à l’entr’actes de 15 minutes prévue pour se dégourdir les jambes.
C’est à ce moment que vient m’aborder une très fidèle collaboratrice, absolument blanche d’émotion.

Elle s’est littéralement fait agresser dans les couloirs par des collaboratrices de l’APCE, l’Association pour la création d’entreprises, parce que nous avons osé mettre dans la documentation distribuée quelques faits sur l’emploi, les Business Angels et les défaillances de l’APCE.
Cette affaire prendra même une certaine ampleur, le cabinet de Laurent Fabius convoquant mon ami Michel pour lui demander comment un colloque organisé dans les locaux de l’État pouvait se permettre de critiquer une association qui était en réalité une agence de l’État, puisque financée à 100% sur crédits publics.

Elle était à l’époque dirigée par François Hurel, avocat, ayant bâti sa carrière sur la création d’entreprises ou plutôt de petits boulots. Débutant dans le réseau des Chambres de Commerce, conseiller technique au cabinet d’Alain Madelin, puis de Raffarin avant de passer à l’APCE 1996 (il est arrivé après que l’Agence soit réformée), Président du Club Idées Action de Loire Atlantique, puis délégué de l’APCE en 1999, c’est lui que l’on va retrouver dans tous les ministères de la droite de Chirac à Sarkozy, faisant se multiplier les mesures qui encouragent la création de petits boulots, depuis les 60 mesures de Renaud Dutreil et la SARL à 1 euro jusqu’à l’auto-entrepreneur de Hervé Novelli. Il n’est pas étonnant de retrouver dans les membres de l’APCE 1999 beaucoup d’autres organismes comme l’ADIE qui vivent de l’exploitation des chômeurs. Il est président de l’Union des auto-entrepreneurs.

L’enquête sur l’APCE

L’APCE a fait effectuer en 1999 une grande étude sur la création d’entreprises dans les pays étrangers.
C’est une étude très exhaustive qui va enquêter jusque dans des pays aussi importants que l’Autriche.
Mais, au deuxième regard, il se dégage une impression étrange de ce rapport important puisqu’il représente 141 pages.

Un examen attentif montre en effet, que, partout, de façon quasiment insidieuse, les auteurs ne se demandent pas pourquoi les entreprises fleurissent dans tel ou tel pays mais quelles sont les politiques mises en œuvre par les états respectifs pour développer ou stimuler leurs entreprises.

Même les états comme les États-Unis.

Comme si aux USA, la formidable explosion créative des entreprises avait trouvé son « big bang » dans l’État, comme si celui-ci était l’initiateur et le concepteur sans lequel rien ne se serait produit.

Le monde de la création d’entreprise est ainsi vu en termes de programmes d’interventions étatiques et l’on y distingue à peine les entrepreneurs eux-mêmes, comme s’il s’agissait de robots que tel programme est susceptible de réveiller ou d’endormir, de susciter ou de faire disparaître.

Un coup d’œil sur les correspondants étrangers consultés par l’APCE montre que ce sont presque exclusivement les personnels de nos ambassades et de nos consulats, ou les membres d’agences étrangères gouvernementales.
Mais aux USA, l’agence n’a pas consulté les écoles de formation au métier d’entrepreneur comme Babson College (ni d’ailleurs son homologue l’INSEAD à Fontainebleau) pour savoir ce qui fait courir les entrepreneurs dans ce pays; ni le centre d’étude de l’Université du New-Hampshire qui s’intéresse aux créations d’entreprises, au capital-risque et aux Business Angels qui les financent.

Dans un court passage consacré aux Anges, elle note bien que leur nombre est important mais elle ne s’est pas interrogée sur leur rôle exact dans la création d’entreprises ni sur leur volume aux USA, ni aux législations, notamment fiscales, qui ont permis leur apparition et leur éclosion. Elle ne s’intéresse qu’aux prêts et programmes de financement de la SBA comme si la dynamique de l’emploi aux USA prenait sa source dans cet organisme.

De cette lecture, le lecteur ne peut pas ne pas retirer le sentiment que l’État est le moteur de l’économie américaine, alors que, pour toute personne ayant vécu tant soit peu aux USA, l’État est, heureusement, un nain ayant très peu de pouvoir sur le marché. On parle de cet État, bien sûr, dans les médias; on parle des efforts faits par les multiples acteurs pour l’influencer et obtenir un règlement ou un texte de loi.
Mais il y a deux énormes différences avec la France: la première est que les acteurs ne sont pas limités aux politiciens, syndicats et fonctionnaires comme en France, les entrepreneurs ont une voix qui sait se faire entendre à travers des associations de PME puissantes et influentes. Et surtout les équilibres organisés par la Constitution entre les différents pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire limitent considérablement ses interventions.

Si on ne le lui dit pas, le lecteur n’a aucune raison de voir l’océan qui, au figuré cette fois, sépare les deux pays.
Si on ne lui dit pas que la vitalité des USA n’est pas le résultat de l’interventionnisme gouvernemental mais de l’influence des Anges, que ceux-ci représentent une puissance d’investissement dans les créations d’entreprises qui domine de plus de 10 fois les sommes mises en œuvre par la SBA, la « Small Business Administration », l’agence fédérale des PME, le lecteur manque complètement l’élément essentiel qui explique le succès américain en matière d’emploi et de chômage.
C’est peut-être pour cela que l’APCE, en incluant son incarnation précédente, l’ANCE, qui existe depuis plus de 20 ans, que depuis plus de 20 ans elle émet rapports et suggestions, que, nous supposons, suite à ces rapports, des initiatives gouvernementales sont prises… et que le nombre d’entreprises créées stagne ou même décroît.

Il serait peut-être temps de se demander ce qui fait que toutes ces initiatives n’aboutissent pas.
La situation est aggravée par le fait qu’étant l’organe officiel de l’État français pour éclairer le gouvernement sur la création d’entreprises, ses avis et conclusions sont repris et largement diffusés par tous les autres organismes officiels qui se penchent sur ce problème.

L’influence sur les relais étatiques : le Sénat, le Conseil Économique

On n’est donc pas trop étonné de voir le Sénat, sous la plume de son rapporteur Françis Grignon,(« L’exemple américain »1997) – qui par ailleurs fait de très intéressantes remarques et souligne en particulier que l’épargne privée n’est pas assez mobilisée pour les PME – reprendre à peu près les mêmes thèmes et conclusions que ce que l’on a déjà trouvé dans les rapports de l’APCE. Dès la première page, il est question du Small Business Act de 1953 établissant la SBA, ou, plus loin, des programmes établis par la ville de New-York pour aider ses PME. Mais nulle part il n’est question des mesures fiscales introduites par le Congrès en 1958 pour stimuler la création d’entreprises ni de l’extraordinaire développement des Anges qui en a été la conséquence et dont le poids sur le développement américain rend absolument secondaire la SBA. Les Anges n’ont droit qu’à 3 lignes dans le 6ème fascicule.

Et comme il n’y a aucune raison pour que la contagion s’arrête (l’APCE fait, après tout, ce pour quoi elle est payée: montrer que l’État dont elle vit est la solution à nos problèmes et non leur cause), ce sont à peu près les mêmes diagnostics et les mêmes conclusions que l’on retrouve dans le rapport du Conseil Économique et Social sur la « création et pérennisation de l’entreprise de petite taille »(étude présentée par Mme Jacqueline Socquet-Clerc-Lafont le 26 juin 2001)
On ne manquera pas d’être impressionné dans le rapport Francis Grignon, par les remarques préconisant de développer des programmes d’aide aux entrepreneurs pour qu’ils puissent payer des conseils de « management » ou de stratégie afin d’apprendre ou de mieux remplir leur métier d’entrepreneur. Sans aller jusqu’à cette proposition de loi d’un député qui n’avait pas fait moins que de suggérer l’établissement d’un examen pour un diplôme avant d’être entrepreneur (cet honorable député ne savait pas que les plus grands entrepreneurs sont en général des autodidactes ou des « drop-out » comme Bill Gates), ce rapport ressort l’un des thèmes les plus inadaptés – sauf pour les conseils qui vendent leurs services – au succès de la création d’entreprises.

Comme le disent les Américains, « when you can do, you do (si vous pouvez gérer une entreprise, vous le faites); if you cannot do you advise; if you cannot advise you teach » ce qui est une façon un peu longue de dire que les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

Au lieu de financer des aides de conseils extérieurs dont rien ne garantit ni la qualité ni la compétence, les Américains ont trouvé une formule beaucoup moins coûteuse pour les deniers publics et beaucoup plus efficace pour les PME et qui est parallèle à celle des SBIC: on encourage fiscalement des gens, qui ont l’expérience de créer une entreprise car il l’ont déjà fait et réussi, à mettre leur argent dans de nouvelles entreprises et, siégeant au conseil, à apporter au créateur d’entreprise non seulement leur expérience et leurs conseils mais leur relations; et ceci le plus souvent gratuitement car ce qui les motive, c’est de voir l’entreprise et leur argent réussir, pas de vendre des conseils.

Qui sont ces conseillers bénévoles que l’on trouve aux USA et que l’on trouve très peu en France ? Ce sont les Anges.
Quel est le rôle des Anges dans la création d’emploi ? Peut-on s’en passer ? Pourquoi y en a-t-il tant aux USA et si peu en France? Telles sont les questions que je voudrais faire connaître au ministre des PME duquel, en ce début de juillet 2002, je viens de recevoir une invitation à déjeuner.

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1 commenter

André BROUCHET (ECO Business Angel) septembre 25, 2012 - 12:32 am

Mais qui est donc François Hurel ?
Merci de cet article sans complaisance, qui pointe du doigt la myopie (intéressée…) des fonctionnaires nourris par nos impôts…
Une étude est en cours, commandée par Bercy, sur les Business Angels et leur utilité réelle en France, étude sur laquelle il y aurait beaucoup à dire, tant sur la méthode employée que sur les conclusions, connues d’avance, ressemblant fort à celles que vous avez constatées dans le passé (concernant l’APCE). Circulez, il n’y a rien à voir !
Nous y reviendrons…

La dernière ligne de votre article parle de juillet 2002, ne serait-ce pas plutôt juillet 2012 ?

Bon courage dans votre combat pour la libre entreprise, qui mérite d’être accompagnée, non par des fonctionnaires, aussi zélés soient-ils, mais par des VRAIS entrepreneurs, Anges ou pas, mais ayant vécu les affres de la création et des fins de mois hypothétiques…

Merci de ces éclairages nécessaires.

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