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Les économies possibles de dépenses publiques

par Alain Mathieu
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Les dépenses publiques françaises sont les plus élevées de l’Union Européenne : 56,5 % du PIB, bien au-dessus de la moyenne européenne (45,8 %), et de l’Allemagne (44,6 %, soit une différence de 11,9 % du PIB).
La France devrait pouvoir faire des économies.
Huit tentatives ont été faites depuis 1968 : Rationalisation des Choix Budgétaires (1968), circulaire Rocard (1989), Loi Organique sur les Lois de Finances (2001), audits de modernisation (2005), Révision Générale des Politiques Publiques (2007), Modernisation de l’action publique (2012), Programme d’action publique (2017).
Curieusement, aucune de ces tentatives n’était fondée sur une comparaison de l’efficacité des dépenses françaises avec celle des autres pays européens et en particulier de l’Allemagne. Une étude de FIPECO le permet.

Un article de Réformer pour libérer

Police et justice

La France y dépense comme la moyenne européenne (1,7 % du PIB) et plus que l’Allemagne (1,6 %). Les résultats français sont inférieurs à ceux de l’Allemagne :

Police : par habitant, + 20 % d’homicides volontaires, + 200 % de vols (+ 300 % pour les vols de voitures). La France est le pays européen qui a le plus grand nombre d’habitants dans des zones de non-droit : 4,5 millions. Les policiers français sont mal utilisés : ils font des travaux de dactylos, les plaintes n’étant pas déposables par Internet et les auditions pas enregistrables.
Un référé de la Cour des comptes de mars 2018 a signalé « un cycle de travail reposant sur le roulement de quatre équipes et non de trois » et rappelé que « la réforme des règles des heures récupérables (demandée par la Cour en 2013, au sujet de la récupération des heures de nuit et de week-end) n’a pas été menée ». La durée moyenne hebdomadaire de travail des policiers est ainsi d’environ 27 heures.
Une baisse des dépenses françaises de police serait possible si l’organisation et les horaires du travail des policiers étaient revues.

Justice : les délais des contentieux sont en première instance plus longs de 80 % que ceux des Allemands et en deuxième instance de 100 %. Il manque au moins 15 000 places dans les prisons françaises. 100 000 condamnations à la prison ne sont pas exécutées. La moitié des condamnés aux Assises ont passé plus de deux ans en détention préventive. Des jugements sont influencés par les convictions gauchistes de jeunes magistrats, comme l’ont montré quatre scandales non sanctionnés : Outreau, le mur des cons, les condamnations pour islamophobie, la dernière élection présidentielle (dont le résultat a été déterminé par le zèle d’une juridiction spéciale).
La CEPEJ (Commission européenne pour l’efficacité de la justice) a constaté « l’obsolescence des applicatifs » informatiques de traitement des procédures, qui datent des années 1990, et la faible utilisation de la vidéoconférence.
Avant d’augmenter les crédits de la justice, notamment pour la construction de prisons, qui pourrait être confiée au secteur privé, il faudra revoir ses méthodes, en particulier son utilisation des techniques numériques.
Pour le recrutement d’une partie des magistrats, on pourrait utiliser la méthode qui réussit aux Suisses et aux Anglo-saxons : recrutement en fonction des compétences juridiques, évaluées sur dossier, et non sur concours administratif.

Défense

Avec 1,8 % du PIB, la France dépense plus que la moyenne européenne (1,2 %) et que l’Allemagne (1,1 %). Certes elle est la seule à entretenir une « dissuasion nucléaire », qui consomme 1/3 de son budget militaire, mais dans ce domaine le Parlement n’exerce aucun contrôle et n’a même jamais discuté du sujet. Aussi des dizaines de milliards y ont-ils été gaspillés : 120 missiles nucléaires Hadès détruits au lendemain de leur construction ; quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins alors que trois suffiraient ; leurs missiles M 45 remplacés sans raison sérieuse par les M 51 ; le laser mégajoule, supposé simuler les bombes, n’est qu’une copie conforme d’un engin américain que les Etats-Unis pouvaient mettre à notre disposition ; la « composante aérienne » de notre force de dissuasion, dont le ministre Hervé Morin avait demandé la suppression à Nicolas Sarkozy, n’a été réduite que de moitié.
D’autres économies sont possibles. Nous avons 1 021 chars de combat, les Anglais 386. Environ la moitié de nos chars, avions, hélicoptères, etc. sont en panne du fait de la mauvaise organisation de leur entretien et notamment de la gestion des pièces de rechange. Nous pourrions annuler certaines des prochaines livraisons d’avions Rafale, et les remplacer à moindre coût par des drones, ce qui éviterait à Dassault de retarder ses livraisons de Rafale à l’exportation. Nous pourrions sous-traiter le service des essences (1 411 salariés), les cuisiniers, coiffeurs, jardiniers, réduire l’administration centrale (4 800 personnes, dont 43 directeurs ou sous-directeurs et 161 chauffeurs).
Il faudrait ne pas céder à la pression des élus locaux qui empêchent la réduction du nombre de « bases de défense ». Nos dépenses de pensions militaires, le double de celles des Anglais, devraient être revues. Un remplacement fiable devrait être trouvé au système de paie des militaires, dénommé Louvois, abandonné 17 ans après son lancement.
Avant d’augmenter massivement nos dépenses militaires sous prétexte que nos armées sont « à l’os » et que Trump nous le demande, des économies sérieuses pourraient être décidées.

Santé

Nous y dépensons 11 % de notre PIB, l’UE 9,8 %, l’Allemagne 10,4 %. L’épidémie Covid19 a montré notre moindre efficacité : 6 fois plus de morts par habitant qu’en Allemagne, 5 fois moins de lits de réanimation, des tests et masques indisponibles, etc.
Car les hôpitaux publics des Allemands sont aussi efficaces que leurs hôpitaux privés, étant traités de façon identique : pas de fonctionnaires, retraites identiques, tarifs de remboursement des actes identiques (en France, + 30 % pour les hôpitaux publics). Les directeurs d’hôpitaux publics allemands ont été poussés à mieux gérer leurs hôpitaux par la privatisation d’une centaine d’hôpitaux publics en déficit. Les emplois administratifs allemands sont la moitié des français. La décentralisation au niveau des Länder permet de donner une plus grande autonomie aux hôpitaux.
Par deux réformes successives (2006 et 2013) les Pays-Bas ont développé la concurrence dans l’assurance-maladie : comme les Suisses et une partie des Allemands, les Néerlandais ont le choix de leur assureur-maladie, public ou privé, qui peut faire jouer la concurrence entre prestataires. Une péréquation égalise les risques pris par les assureurs (suivant l’âge ou l’état de santé des assurés). L’Etat finance la prime d’assurance jusqu’à l’âge de 18 ans, et verse un complément aux adultes dont la prime d’assurance dépasse un pourcentage de leurs revenus. Depuis la mise en œuvre de ces réformes les coûts administratifs et ceux des médicaments ont baissé massivement et la productivité des infirmières a crû de 35 %.
D’après l’Euro Health Consumer Index la qualité des soins est aux Pays-Bas la meilleure de l’UE. La France y est 11-ème. Le système néerlandais pourrait nous servir d’exemple.

Retraite

Nous y dépensons 14,8 % de notre PIB, l’UE 12,4 % et l’Allemagne 11,4 % (bien que sa population soit plus âgée que la française).
L’âge légal de départ à la retraite est en Allemagne de 65 ans et 7 mois. Il passera progressivement à 67 ans d’ici dix ans. L’âge réel moyen de départ en retraite y est supérieur de trois ans au français. Les Allemands n’ont pas de régimes spéciaux de retraite et ils peuvent souscrire à une retraite par capitalisation, défiscalisée et subventionnée, choisie par plus de 40 % des ménages.
La suppression des régimes spéciaux, approuvée par 65 % des Français et votée par l’Assemblée Nationale le 29 février 2020, aurait permis de rapprocher le système français de l’allemand et de faire à terme des économies. Elle aurait dû être complétée par une part de capitalisation accessible à tous, comme celle dont bénéficient les fonctionnaires sur leurs primes, la Retraite Additionnelle de la Fonction Publique, dont ils sont très satisfaits. Mais elle est « suspendue ».

Enseignement

Nous y dépensons 5,1 % du PIB, l’UE 4,5 %, l’Allemagne 4,2 %. Et pourtant les tests PISA de 2018 sur les élèves de 15 ans montrent que les résultats allemands sont meilleurs. La France y est 26-ème en Maths, 25-ème en Sciences, 24-ème en lecture, bien après l’Allemagne.
La principale raison de la différence tient aux horaires de travail des enseignants, en particulier dans le secondaire : en Allemagne 43 heures par semaine de présence obligatoire à l’école ; en France 15 heures pour les agrégés et 18 heures pour les certifiés (du moins pour ceux qui ne sont pas payés à rester chez eux dans l’attente d’un remplacement à pourvoir, ceux qui n’ont pas d’heures de délégation syndicale, ceux qui ne s’occupent pas d’associations sportives et qui ne bénéficient pas de l’« heure de première chaire »). Le régime des heures de travail des enseignants français devrait être revu.
Pour améliorer la qualité de l’enseignement il faudrait accroître l’autonomie des établissements. Ce qui serait possible si la gestion des établissements dépendait des propriétaires des locaux : maternelles et primaires aux communes, collèges aux départements et lycées aux régions. On pourrait ainsi réduire la part des frais administratifs, environ le double de celle des Allemands.
On pourrait aussi faire des économies en augmentant la part de l’enseignement privé, qui coûte par élève au budget de l’Etat environ 30 % de moins que le public.
Une des raisons de la médiocre qualité de l’enseignement français tient au pourcentage trop important d’élèves issus de l’immigration dans certaines classes. Ceux-ci représentent 43 % des élèves en difficulté. Le Danemark a résolu ce problème avec une règle stricte : la part des élèves issus de l’immigration ne doit pas dépasser 30 % de chaque classe.
D’après l’Institut économique Molinari, « à qualité égale, le système français pourrait réaliser 43 milliards d’économies sur les 155 milliards investis dans l’éducation s’il se rapprochait du rapport qualité/prix des pays les plus efficaces ».

Logement

Les dépenses publiques y représentent 2 % du PIB français, contre 1 % pour la moyenne de l’UE et 0,8 % pour l’Allemagne.
Les Allemands ont, comme les Britanniques, vendu la moitié de leur parc de HLM.
De 1965 à 1983 la France a donné aux occupants des HLM le droit d’acheter leur logement. Mais le prix de vente était celui de l’estimation du service des domaines alors qu’il aurait dû être réduit d’au moins 1/3. Des restrictions à ces ventes devraient être supprimées, notamment le % minimum d’HLM dans la commune. Comme en Allemagne les communes devraient recevoir une partie du produit de la vente, et la vente à des sociétés financières, qui pourraient les revendre après réhabilitation, devrait être autorisée.
La construction de logements serait facilitée si les règles du permis de construire étaient allégées et les propriétaires publics de terrains incités à les vendre.
La suppression des privilèges fiscaux et financiers des HLM créerait un marché unifié où il n’y aurait plus de pénurie.

Exclusion sociale et chômage

La France y dépense 3 % de son PIB, l’UE 1,2 %, l’Allemagne 1 %.
Le taux de chômage français est plus du double de l’allemand, en grande partie du fait des plus grandes dépenses publiques, qui obligent à prélever sur les entreprises en charges fiscales et sociales 9 % du PIB de plus que l’Allemagne et donc diminuent leur compétitivité et accroissent le chômage.
Depuis 2005 les lois Hartz ont aussi réduit l’indemnisation du chômage en Allemagne : plafonnement, dégressivité dans le temps, obligation de reprendre un emploi, pas d’intermittents du spectacle, meilleure formation des chômeurs. La France pourrait s’en inspirer.
En dehors de l’assurance-chômage on pourrait réduire les nombreuses allocations sociales de l’Etat et des collectivités locales en appliquant deux lois tombées en désuétude :
– L1132- 6 et 7 du code de la protection sociale : « à l’occasion de toute demande d’aide », le préfet ou le Président du Conseil départemental DOIVENT mettre en jeu la solidarité familiale en demandant aux parents fortunés de secourir leur parent dans le besoin ;
– Le Registre National Commun de la Protection sociale, voté par le Parlement en 2006, devait enregistrer toutes les aides fournies à un demandeur. Mais l’administration a refusé d’y faire figurer les montants de ces aides, ce qui le rend inutilisable, facilite la fraude et empêche la réalisation d’une promesse importante du programme électoral d’Emmanuel Macron en 2017 : « nous créerons un versement social unique » pour toutes les allocations sociales.

Conclusion

Des économies importantes sont possibles. Mais il manque la volonté politique de les réaliser.
Si cette volonté existait, la France pourrait mettre en œuvre ces économies grâce à certains moyens utilisés par d’autres.
Par exemple le Canada, le Royaume-Uni et l’Italie ont gelé les embauches publiques. En tenant compte des renouvellements de contrat à durée déterminée, ces embauches s’élèvent en France à plus de 400 000 par an. En les gelant on pourrait en quelques années réduire notre écart avec l’Allemagne, qui compte 4,6 millions de fonctionnaires alors que la France, avec ses quasi-fonctionnaires (sécurité sociale, universités, pôle emploi, etc.) en compte 7 millions.
Les fonctionnaires allemands ne connaissent pas la semaine de 35 heures, leur absentéisme est inférieur au français, leur âge de départ à la retraite est plus élevé. Au total, sur une vie entière, leur temps de travail est supérieur de 30 % à celui des Français. En alignant les conditions de travail des fonctionnaires français sur celles des allemands on pourrait geler les embauches pendant plusieurs années sans dégrader la qualité du service.
Les syndicats réagiraient sans doute. Mais ils ne paralyseraient pas le pays si le droit de grève français était le même que celui des pays voisins : les revendications doivent être exclusivement professionnelles, le vote des grèves est à bulletin secret, un service minimum fonctionne, des sanctions sont possibles en cas de non-respect d’une réquisition.
Ce programme de redressement pourrait faire retrouver à la France, en cinq ans, l’égalité économique avec l’Allemagne qu’elle connaissait il y a vingt ans.

 

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1 commenter

zelectron mai 18, 2020 - 6:47 pm

abolition du statut des fonctionnaires !
La première mesure d’économie qui vaille consiste à tailler dans les effectifs d’une administration pléthorique et pour partie parfaitement inutile mais cependant « suceuse de sang du peuple » de par son coût pharaonique.
Un million me semblerais une première exigence sauf à évaluer les dégâts d’une r&action syndicale violente contre les intérêts des français « rackettés »

nb nous ne parlons pas des « régaliens évidemment.

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