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Les dividendes n’ont pas augmenté

par Guillaume Varnier
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Selon le rapport de Jean-Philippe Cotis sur le partage des profits des entreprises, les dividendes versés aux actionnaires par les entreprises françaises auraient explosé, passant de 12 milliards d’euros en 1993 à 45 milliards en 2006. Les adversaires du capitalisme s’indignent d’une telle augmentation alors que la part des salaires dans la valeur ajoutée aurait plutôt baissé. Cette attaque perd complètement de vue que pendant cette même période, les capitaux investis dans ces entreprises ont plus que doublé passant de 831 milliards en 1993 à 1815 milliards en 2006.

Cette tribune a été publiée dans le Figaro du vendredi 15 mai 2009

Que s’est-il passé ? Tout simplement que les entreprises françaises en 1993 étaient très endettées et qu’en treize ans elles ont considérablement réduit leur dette en la remplaçant par du capital. Il y a bien eu une augmentation relative des dividendes, mais l’augmentation des capitaux investis explique presque entièrement cette augmentation. Une entreprise finance en effet ses investissements et ses stocks avec des emprunts bancaires ou avec des capitaux. _ L’inconvénient des emprunts est que bonne ou mauvaise année, il faut payer les intérêts même si l’entreprise est en perte alors que les capitaux eux sont rémunérés par les dividendes et que lorsqu’il n’y a pas de profit, l’entreprise n’en distribue pas. En outre, les emprunts doivent être renouvelés à l’échéance, pas le capital et l’on voit dans la crise actuelle que ce renouvellement n’est pas automatique. Donc une entreprise est d’autant plus solide qu’elle se finance avec le moins de dette possible et le plus de capital. On ne peut donc que se réjouir de voir les capitaux des entreprises plus que doubler dans la période couverte par le rapport Cotis.

Il faut de plus signaler que le point de départ pris par le rapport Cotis, soit 1993, est une année où les dividendes ont été particulièrement bas, ce qui amplifie leur accroissement. En fait si on prend une série plus longue qui débute en 1981, on s’aperçoit que les dividendes distribués par l’ensemble des entreprises françaises rapportés aux capitaux mis en œuvre a baissé, passant de 5,5% à 3,7%. Dans le même temps, le salaire horaire brut en euros constants a augmenté de plus de 40%.

Une raison pour laquelle le rapport Cotis prend 1993 comme point de départ est que c’est seulement depuis cette année que l’INSEE sépare dans ses publications les dividendes des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, généralement les plus grosses, des revenus distribués par les sociétés soumises à l’impôt sur le revenu. Mais que l’on prenne les dividendes versés par les seules sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés ou l’ensemble des sociétés y compris celles soumises à l’impôt sur le revenu, on reste frappé par le taux très faible de dividendes distribués. Ce constat est lié à l’observation que nous avons pu faire par ailleurs d’un autofinancement en France plus faible que dans des pays comme la Grande-Bretagne, provenant d’une marge d’exploitation beaucoup trop faible. Le rapport Cotis le note en soulignant que le taux de profit brut des entreprises françaises ne dépasse pas 31%, soit l’un des plus faibles du monde occidental. Il est de 39% en zone euro. Cela entraîne une vitesse d’expansion des entreprises françaises dans leur ensemble moitié de la vitesse observée outre-Manche. S’il fallait tirer une conclusion du niveau des dividendes, ce serait donc plutôt sa faiblesse.

Une autre remarque que l’on peut faire est que l’augmentation des dividendes ne s’est pas faite uniquement en faveur d’une petite coterie de patrons richissimes ou de fonds de pension américains. En même temps que l’augmentation des dividendes se produisait une formidable expansion de l’actionnariat : le nombre de Français détenant des actions a presque doublé entre 1991 et 2007, passant de 6 à 11 millions.

Comme le remarquent les syndicats, il est vrai que dans le partage de la valeur ajoutée des entreprises françaises la part des salaires a atteint 73% en 1981 et qu’elle est maintenant retombée à 64%, soit la même valeur qu’avant 1973 comme le souligne le rapport Cotis. Faut-il s’indigner que le rapport de 73% n’ait pas été maintenu ? Non, car il n’a atteint ce niveau que parce que les entreprises, suite aux chocs pétroliers de 1973 et 1979, ont dû faire face à un environnement plus difficile et une poussée d’inflation sans précédent qui a écrasé leur marge et leur capacité d’autofinancement, handicapant ainsi leur avenir. En d’autres termes, l’histoire montre qu’un ratio de 74% n’est pas tenable sans mettre en danger l’avenir industriel. Et il semble donc que le partage actuel de la valeur ajoutée, 64% pour les salaires, 10% pour les impôts, 13% pour l’investissement et 8% pour les dividendes soit le bon partage.

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