Page d'accueil Études et analyses Les 35 heures ont plombé les bas salaires

Les 35 heures ont plombé les bas salaires

par Bertrand Nouel
51 vues
smics-mensuels-france-europe.jpg

Pour la première fois, la France a le plus bas des salaires minimums.

A salaire égal, les 35 heures ont privé la France de 11,4% du temps de travail de ses salariés : 35 heures payées 39. Il a bien fallu que cela se retrouve quelque part. Eh bien, tout le monde est perdant, les employeurs, l’Etat et les bas salaires. On le savait déjà pour les employeurs, on le savait aussi pour les finances publiques et pour l’Etat employeur, voire les hôpitaux.

Ce qui est nouveau, c’est le fait que, pour la première fois, le smic mensuel français est de loin le plus bas des salaires minimums des pays européens comparables qui nous entourent, Espagne exclue. Comment cela se fait-il ?

En 2005, la France avait le plus élevé des smics horaires

Il faut d’abord bien distinguer smic horaire et smic mensuel. La France a un smic horaire, comme le Royaume Uni ou l’Allemagne, à la différence par exemple de la Belgique ou des Pays-Bas.

En France, c’est en 2005 qu’ont été unifiés les différents smics horaires qui existaient du fait de l’application progressive des 35 heures. Le smic horaire était alors égal à 8,03 euros, et c’était le plus élevé de tous les pays européens, Luxembourg exclu (le salaire minimum n’existait pas à l’époque en Allemagne, et n’existe toujours pas en Italie).

La stagnation du smic horaire

La première cause à prendre en compte est l’évolution du smic horaire depuis 2005. En effet, le passage aux 35 heures s’est effectué sans perte de salaire, ce qui explique le maintien d’un smic élevé en 2005. Mais les salariés au bas de l’échelle des salaires ont depuis cette date payé cet avantage d’une stagnation relative de leurs salaires. C’est très clair si l’on se livre à des comparaisons internationales. Car le smic horaire français a beaucoup moins augmenté que les salaires minimums dans ces derniers pays comme on le voit sur ce tableau. Le smic horaire dans ces différents pays s’est donc rapproché du smic français, jusqu’à, par exemple, se trouver en avril prochain au Royaume -Uni, supérieur au smic français.

smics-mensuels-france-europe.jpg

Ecart d’évolution des smics horaires
2020/2005 2020/2015
Roy. Uni 73%
Allemagne 10%
France 26% 4,90%

Combien d’heures pour le smic mensuel ?

Mais la grande différence provient de ce que dans tous les pays, il faut multiplier ce smic horaire par une durée légale du travail nettement supérieure à la durée légale française : en moyenne 40 heures par semaine au lieu de 35 heures en France (38 heures en Belgique). Comme on le voit, le smic mensuel français sera alors très inférieur en 2020. 78/79 euros de moins qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni, jusqu’à 117 euros comparé à l’Irlande ! Le salarié français au smic est donc très désavantagé.

Les heures sup ne compensent pas

La rémunération des heures supplémentaires ne compense pas. Car seulement la moitié des salariés effectuent des heures supplémentaires, et de façon générale, plus d’un salarié sur deux déclare effectuer des heures supplémentaires non payées. Et quand elles sont prises en compte, elles sont très souvent, non pas payées mais compensées, par des temps de repos dans le cadre de la réglementation de la RTT.

Au final, Les 35 heures ont donc eu un double effet néfaste pour les salariés

Les 35 heures ont d’une part provoqué une stagnation relative du smic horaire, et d’autre part elles ont privé les salariés de plus de 11% de la rémunération qu’ils toucheraient s’ils travaillaient 39 heures.

Le bénéfice que le gouvernement de l’époque escomptait des 35 heures était l’emploi par le partage du travail. Cela n’a pas fonctionné. D’infinis débats ont conclu qu’environ 300.000 emplois ont pu être créés sur le coup. Mais on ne sait pas combien les 35 heures en ont fait perdre, ni combien d’emplois inutiles ont été créés, comme à la SNCF où la Cour des comptes évoque « une hausse des effectifs estimée entre 7 000 et 7 500 agents », et ajoute : « La SNCF a ensuite renoué à partir de 2001, avec la tendance de longue période de diminution des effectifs de l’entreprise que la réforme des 35 heures avait eu pour conséquence d’interrompre momentanément ».

La demande des Français s’oriente maintenant vers le pouvoir d’achat, et pour les salariés le smic devient alors un obstacle. Le gouvernement ne sait plus quel levier actionner : politique monétaire sans résultat, politique budgétaire à bout de souffle, il en vient maintenant à demander aux entreprises d’augmenter les salaires pour améliorer le pouvoir d’achat, et accessoirement les cotisations retraite. Mais c’est évidemment difficile pour les employeurs au niveau des bas salaires. Et si c’était l’occasion pour augmenter le temps de travail ? Ne peut-on légitimement penser que beaucoup de salariés troqueraient volontiers leur salaire français contre un salaire irlandais ou allemand, quitte à travailler 4 heures de plus par semaine ?

Voir la vidéo : https://vimeo.com/387311841

 

smics-mensuels-france-europe.jpgarton1280.jpg

Tu pourrais aussi aimer

1 commenter

gaston79 janvier 27, 2020 - 9:39 am

35 heures et fonction publique
On peut ajouter à cet article que les 35 heures ont probablement aggravé le retard de compétitivité des services publics français (déjà très faible au départ) en suscitant d’innombrables embauches pour compenser à l’époque ces déficits instantanés de temps de travail.
On le vérifie aisément, notamment dans la FP territoirale par le quasi million d’embauches réalisées immédiatement aprés les 35 heures.

Répondre

Laissez un commentaire

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d’accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus

Privacy & Cookies Policy