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Le rôle des « super entrepreneurs »

par Valérie Pascale
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Pourquoi le taux d’entrepreneuriat est différent d’un pays à l’autre ? Sur les 100 plus grandes entreprises cotées aux États-Unis, 31 sont nées après-guerre. En Europe, seulement 7 sur 100.

Ces entreprises ont créé plus de quatre millions d’emplois aux États-Unis, alors que celles en Europe en ont créé à peine un million. Comme autre mesure de l’entrepreneuriat, on peut également prendre le classement des 500 plus grandes entreprises dans le monde publié par le Financial Times. Parmi les entreprises américaines, 29% ont été créées après 1950. En Europe, par comparaison, il y en avait seulement 8%.

L’économiste autrichien Joseph Schumpeter a défini l’entrepreneur comme innovateur et propulseur de changement. Le rôle économique de l’entrepreneur est de diriger la société d’un équilibre – où les choses sont stables mais aussi en train de stagner – à l’autre.

L’entrepreneur contribue à la croissance en créant de nouvelles entreprises et de nouveaux produits. Schumpeter a fait également remarquer que l’entrepreneur peut mettre en danger des entreprises existantes. On parle ainsi de la « destruction créatrice » quand les routines économiques existantes sont déstabilisées et remplacées ensuite par de nouveaux mécanismes plus avancés.

Steve Jobs était à l’origine de la « destruction créatrice » probablement la plus forte sur la planète depuis les vingt dernières années. Pensez à ceux qui travaillaient dans la production des baladeurs portables ou dans l’industrie du disque au moment de l’arrivée de l’iPod, ou à ceux qui fabriquaient les téléphones portables à clapet au moment du lancement de l’iPhone. Et on ne sait toujours pas ce qui va arriver aux producteurs d’ordinateurs portables avec la révolution qu’est en train d’annoncer l’iPad. Steve Jobs tout seul a détruit plusieurs centaines de milliers d’emplois dans le monde, largement plus que ce qu’il a créé avec Apple ou Pixar. Regrettons-nous ces destructions ? Absolument pas, puisqu’il s’agit du progrès technique et de l’avancement de l’économie.

Mais les entrepreneurs sont pratiquement absents des statistiques officielles et des études scientifiques. Les organismes statistiques nous parlent plus souvent des travailleurs indépendants qui sont plus faciles à dénombrer. Même s’il y a une certaine proximité entre les deux, du fait des revenus mensuels non garantis qui dépendent fortement des efforts appliqués, les entrepreneurs sont une classe à part. L’ambition d’innover, de grandir et de transformer notre quotidien par ces inventions est ce qui caractérise véritablement l’entrepreneur, mais ceci échappe à tout rapport officiel ou au projet de réforme.

Les deux frères économistes suédois Tino Sanandaji et Nima Sanandaji se penchent sur le pourquoi le nombre d’entrepreneurs est différent d’un pays à l’autre[[Sanandaji, T. & N. Sanandaji, « SuperEntrepreneurs, and How Your Country Can Get Them », Centre for Policy Studies, London, 2014.]]. Ils prennent comme base le classement Forbes de personnes ayant au moins 1 milliard de dollars en fortune et distinguent ceux qui ont construit cette fortune par l’entrepreneuriat. Ils les appellent les « super entrepreneurs » pour leur capacité d’impact sur la création de la richesse et de l’emploi.

Le résultat fondamental de leur étude est que dans les pays capitalistes les personnes les plus riches ont tendance à construire leur richesse par la création d’entreprise plutôt que par l’héritage ou par l’appropriation illégitime. C’est là que les différences entre l’Amérique et les pays européens sont importantes.

En Europe de l’Ouest, 42% des milliardaires sont les entrepreneurs de la première génération, les autres étant principalement des héritiers. Aux États-Unis, les milliardaires entrepreneurs de la première génération représentent 70%. Dans les pays comme la Chine qui vient de s’ouvrir récemment au capitalisme, pratiquement tous les milliardaires sont des entrepreneurs qui se sont construits par eux-mêmes. Cela signifie que le rêve américain est toujours d’actualité et qu’il est tout à fait possible d’atteindre le sommet grâce à l’excellence, au génie, et au hasard.

Le taux de « super entrepreneurs » varie beaucoup d’un pays à l’autre. Hong Kong affiche le taux le plus élevé avec 3 « super entrepreneurs » pour million d’habitants, soit 3 milliardaires ayant construit leur fortune grâce à l’entrepreneuriat. Il est suivi par Israël avec 2 « super entrepreneurs » pour un million d’habitants. Ensuite viennent les États-Unis, la Suisse et le Singapour.

Si l’on compare les grands pays, les différences sont aussi remarquables. Les États-Unis sont ainsi quatre fois plus favorables à l’entrepreneuriat que les pays d’Europe occidentale, et trois fois plus que le Japon. Cela reste vrai si l’on regarde l’importance de « super entrepreneurs » dans la population, le profil des créateurs de grandes entreprises nationales, ou le taux d’investissement dans l’économie.

Une des raisons fondamentales du nombre différent d’entrepreneurs entre les pays sont les impôts et les taxes. Nombreux sont ceux qui se lancent en espérant gagner ce prix formidable qui est le succès entrepreneurial, mais peu sont ceux qui réussissent. Les impôts et les taxes diminuent la valeur de ce prix, ce qui conduit à un nombre moins important de ceux qui tentent leur chance et prennent des risques pour devenir entrepreneur. L’espérance mathématique des gains n’étant plus la même, un investissement rentable autrefois peut devenir non rentable.

Plusieurs études démontrent que les entrepreneurs réagissent davantage à la hausse des impôts que les salariés et diminuent leurs efforts de manière plus significative. L’étude des frères Sanandaji confirme elle aussi cette conclusion et trouve un lien direct entre l’impôt sur les sociétés et le taux de « super entrepreneurs ». Les pays avec des taux d’impôt sur les sociétés les plus élevés sont ceux qui comptent le moins d’entrepreneurs.

 

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1 commenter

Jacques G juin 4, 2015 - 12:08 pm

Schumpeter
Il est catastrophique de se référer à Schumpeter qui, en dépit de ses origines, n'aimait pas les autrichiens (voir ce qu'il a écrit sur la Mont Pèlerin en 1947. L'entrepreneur ne rompt aucun équilibre, car il n'y a aucun équilibre en économe ni dans tout ce qui est vivant, en mouvement permanent. Les autrichiens parlent toujours d'harmonie et non pas d'équilibre.

Schumpeter avait pronostiqué la fin du capitalisme, et l'avènement de l'ère des organisateurs. Berle & Means, puis Galbraith, ont prolongé son analyse et annoncé le "nouvel Etat industriel", bâti sur le consortium des grands directeurs, à l'Ouest comme à l'Est. Comme Marx il croyait la concentration des entreprises comme inéluctable (les courbes plates de Sraffa)

Il faut donc se référer à Kirzner pour repérer la véritable mission de l'entrepreneur, et ce qui fait son succès. L'entrepreneur n'est pas un superman qui aurait une faible aversion pour le risque et serait récompensé par le profit, prime de risque. Je suis atterré quand j'entends justifier le profit par le risque ; ce qui finit par assimiler l'économie à un jeu de casino. Non l'entrepreneur a une vertu essentielle : il voit avant les autres ce qui ne va pas dans la situation actuelle des marchés, il repère les dysfonctionnements, il a une antériorité d'information sur les autres, car il est "avisé", en éveil ("alertness"). Il fait "des affaires" et il concilie meilleur service de la communauté et plus grand profit personnel (celui-là justifiant celui-ci)

L'idée de la destruction créatrice est bien acceptée par les syndicats et les adversaires de la libre entreprise, persuadés que les entrepreneurs détruisent quelque chose, et en particulier détruisent des emplois. Kirzner fait ressortir que l'entrepreneur n'a rien détruit, puisque avant son intervention aucune valeur n'existait, il est donc créateur de valeur nouvelle et n’a rien volé à quiconque.

Bien nombreux sont mes amis entrepreneurs, qui sont d’ardents Schumpeteriens. Le problème est qu’ils se réclament aussi de Mises et Hayek ! Je préférai l’approche de François Michelin, qui voyait dans le progrès de l’entreprise et dans la croissance du profit les conséquences de l'épanouissement des hommes et le meilleur service du client. Chez Schumpeter le client n’a qu’à fermer les yeux : le génial innovateur travaille au bien commun…

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