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Le « prix coûtant » des vaccins, ça ne veut rien dire

par Bertrand Nouel
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Le probable candidat communiste à l’élection présidentielle, Fabien Roussel, peut difficilement critiquer la gratuité de la vaccination COVID promise pour le début 2021. Mais il prévient qu’il faut exiger que l’Etat, qui va dépenser entre 1 et 2 milliards d’euros à cette occasion, puisse acquérir les vaccins « au prix coûtant ». Cette notion de prix coûtant n’a pas véritablement de sens, et n’est avancée que, comme d’habitude et particulièrement à tort ici, pour appuyer la condamnation gauchiste traditionnelle des bénéfices honnis des grands groupes capitalistes. Il y a plusieurs explications à cela.

Les laboratoires dépensent des milliards dans la recherche, de plus en plus en pure perte. Dans le secteur des vaccins, cela a été récemment le cas pour le VIH, dont le vaccin n’a pas (encore ?) pu être développé malgré 25 années de recherche. Autre exemple, le vaccin contre la dengue, maladie qui fait des ravages dans les pays tropicaux, que Sanofi Pasteur a développé aux prix de 1,5 milliards de coûts de recherche. Soupçonné d’être à l’origine d’effets secondaires graves, il a dû être immédiatement abandonné avec en prime des actions pénales pour homicides involontaires visant les dirigeants du laboratoire…[[Ce qui peut contribuer à expliquer la prudence dont fait preuve le gouvernement français dans la mise en œuvre du vaccin contre la COVID.]] Il est donc normal de considérer que les laboratoires désirent compenser les lourdes pertes subies dans des recherches infructueuses portant sur d’autres produits. Ici comme ailleurs, il faut intégrer la notion du risque pris par les entreprises.

D’autre part, le développement d’un vaccin n’est pas l’œuvre isolée d’un laboratoire qui supporte la totalité du coût. D’abord parce que le développement est le résultat de collaborations, comme dans le cas de l’américaine Pfizer et de l’allemande BioNTech. Ensuite parce que s’y ajoutent les fonds provenant notamment de la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), fondation norvégienne dotée par des dons provenant notamment d’Etats et d’œuvres philanthropiques (comme la fondation Bill et Melinda Gates). La CEPI a ainsi investi 1,1 milliard de dollars pour financer concurremment neuf projets de recherche à travers le monde – dont celui de Sanofi Pasteur. On est donc très loin de l’image d’Epinal du méchant capitaliste égoïste.

Troisième considération, on est en pleine incertitude sur le succès du vaccin, d’abord parce que développé dans une hâte exceptionnelle, il est toujours possible que son efficacité ou sa sécurité soient contestées, et aussi parce qu’on ignore lequel des nombreux projets concurrents remportera finalement la mise. Chacun s’est engagé à produire des centaines de millions, voire des milliards de doses et s’organise donc pour les fabriquer, mais il est possible qu’il investisse en vain. La notion de prix coûtant n’a de sens que rapporté à la taille du marché permettant d’amortir les dépenses de développement et de production. Cette évidence d’application générale est encore plus vraie s’agissant de vaccins.

Enfin se pose le problème de la couverture mondiale des besoins. Le CEPI a comme l’OMS attiré l’attention sur la nécessité de ne pas vacciner la seule population des pays riches. Il est donc prévu que les doses seront livrées à des prix différents suivant qu’elles seront destinées à des pays riches, qui les paieront plus cher, qu’à des pays pauvres ou en voie de développement. La notion de prix coûtant n’a encore ici aucune signification, en face de ce qui relève d’un effort de solidarité mondiale où les coûts ne sont pas mutualisés mais répartis en fonction des besoins – ce qui devrait plaire aux communistes.

Il est infiniment regrettable que ces notions soient occultées au profit de slogans simplistes qui n’ont d’autre but que de nourrir une opposition purement politicienne que la perspective d’élections prochaines ne fait qu’attiser.

 

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1 commenter

Desroches décembre 10, 2020 - 12:23 pm

Tout est gratuit !
Il faut que la France soit tombée bien bas pour qu’un tel slogan puisse prospérer.
Et ceux qui chantent l’internationale ne sont pas près de partager avec les pays pauvres.
Mais… la France ne serait pas un pays pauvre ?

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