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« Le marché du capital risque va sans doute passer d’un milliard à 200 millions d’euros d’investissement annuels »
Entretien avec MARX G. gérant d’une société de capital-risque

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Quelle est l’actualité fiscale concernant les sociétés de capital investissement ?

Aujourd’hui le projet de loi du financement de la Sécurité sociale pour 2013 revient d’après les chiffres de l’AFIC à taxer les carried interest[1] au taux marginal de 95%. C’est un problème qui n’intéresse absolument personne et personne ne se rend compte de l’impact que cette mesure va avoir. C’est une aberration totale, qui signifie que sur 10 euros de plus-value, l’investisseur récupère 1 euro. Cela montre une fois de plus que le gouvernement ne connaîit absolument rien au capital investissement. Ceci dit, lorsqu’on affirme que les revenus du capital doivent être imposés comme les revenus du travail, on est sûr de déraper à tous les étages.

Le capital-risque a déjà des difficultés grandissantes à trouver du capital à investir. Cela vient de cette logique selon laquelle l’individu doit s’effacer au profit de l’État. Il y a à mon avis une volonté délibérée de remplacer le capitalisme privé par le capitalisme d’État, d’où la BPI. Cette politique va mener à une quasi disparition des fonds d’amorçage et des fonds de capital-risque qui, par construction, devraient plutôt être des financements de proximité (famille, amis, business angels) avant d’être relayés par des fonds spécialisés. Tous ces fonds réalisent parfois des plus-values importantes mais elles sont très aléatoires. On a l’habitude de dire que sur 10 investissements, il y en a un ou deux qui font une plus-value, trois ou quatre qui font des performances très moyennes et que le reste disparaît.

Autre aberration récente du gouvernement : l’augmentation des plafonds du livret A et du livret développement durable, qui en quelques semaines ont capté plus de 20 milliards d’euros d’épargne. C’est de la folie pure, c’est l’inverse de ce qu’il faut faire. L’assurance vie devrait par ailleurs être réformée : ça fait des années qu’on parle de les obliger à drainer une partie de leurs fonds vers des investissements plus risqués. Bien évidemment il faut qu’ils restent prudents. Mais alors qu’ils avaient pour objectif 2 à 3% d’investissement dans le private equity, ils ne sont même pas à 1% aujourd’hui.

Les niveaux de gains sont-ils moins bons en France que dans les pays anglo-saxons ?

Oui, car le marché français du capital risque est un marché compliqué, dominé par les fonds fiscaux (FCPI, FIP…) pour lesquels la sanction de non performance a été diluée. Les fonds classiques ont quasiment disparu. Or dans le capital risque « classique » vous devez être performant pour que les investisseurs institutionnels reviennent vers vous. Mais dans le cas des FCPI, il y a un très grand nombre de porteurs de parts et peu d’obligations de performances, puisque l’État porte une partie du risque. Ainsi, sur la dernière décennie, le rendement du capital risque est nul ou négatif.

Par ailleurs, le fonctionnement du FCPI est vicié à la base puisque la société de gestion du FCPI doit avoir investi au moins 60% de l’actif du fonds dans un délai de deux ans. Or la logique de gestion d’un fonds rentable, ce n’est pas d’investir le plus vite possible mais de devenir le plus gros possible. Un investissement de 100 euros ou de 10 millions entraîne quasiment les mêmes frais de gestion. Du fait de leur petite taille, entre un tiers et la moitié des fonds part en frais de gestion ou dépenses associées. Cela explique que les investisseurs s’en détournent au profit du capital développement ou des LBO (Leverage Buy Out : acquisition avec effet de levier).

Autre problème majeur : la valorisation des starts up. On monte en épingle quelques introductions en bourse réussies mais on ne parle pas de toutes celles qui n’y entrent pas. Au Royaume-Uni il y a l’AES, aux Etats-Unis le Nasdaq, en France on n’a rien. Or, cela permet de renouveler les actionnaires, d’accélérer le développement et éventuellement … de faire des plus-values.

Quel va être l’impact du projet du gouvernement s’il est maintenu ?

La première conséquence va être le départ d’un grand nombre de sociétés du capital investissement. Je connais de très grosses équipes qui préparent leur départ à Londres. Fatalement ce sont les équipes les plus performantes qui partent. Dans le capital risque, la situation est ironique puisque comme les rendements sont faibles, peu d’équipes sont concernées par la nouvelle législation. En fait c’est le rabot des avantages fiscaux qui va avoir l’impact le plus considérable. Alors qu’en moyenne un milliard d’euros était investi annuellement dans le capital risque, on s’attend à 200 millions d’euros d’investissement l’année prochaine.

Quelles mesures pourraient relancer le capital risque en France ?

Il faudrait qu’aujourd’hui ceux qui paient l’ISF bénéficient de déductions d’impôt pour des montants d’investissements beaucoup plus importants. Aujourd’hui un couple bénéficie de l’ISF-TEPA jusqu’à 90.000 euros d’investissement. Il faudrait monter ce plafond à 500.000 ou un million d’euros. On n’est pas BA quand on met 3.000 euros dans une FCPI, ce qui est à peu près la moyenne aujourd’hui.

En aucun cas la BPI ne va être une solution. Il y a aujourd’hui une bataille terrible entre les régions et la Caisse des Dépôts, chacun voulant tirer la couverture à soi et l’on sait ce que ça a donné il y a trente ans avec les SCR (Société de capital-risque régionales). Nous sommes en contact avec des fonds régionaux et nous voyons très bien l’attitude de leurs intervenants, qui soutiennent des dossiers boîteux parce que c’est le copain d’à côté. Ça va être le royaume des copains. C’est d’autant plus dramatique que la BPI va devenir le seul acteur du secteur. Nous nous battons depuis longtemps pour un Small Business Act à la française, avec mise en place de SBIC. C’est un système où lorsque les investisseurs privés apportent un euro, le fonds a le droit d’émettre deux euros d’obligations garanties par l’État.

Une étude récente du pH group montre que l’investissement initial dans les gazelles[2] et dans les non gazelles est similaire. D’après cette même étude les gazelles françaises créeraient cinq fois moins d’emplois que les britanniques...

Cela traduit bien une double difficulté : incapacité à repérer les bons projets et incapacité à mettre de l’argent dans les tuyaux. Le taux d’emploi des jeunes pousses est directement lié à leur capitalisation. En France on a l’habitude de hurler contre les banques en disant que les banques ne font pas leur travail. Je ne suis pas d’accord avec ça. D’abord les banques prêtent notre argent, l’argent de tout le monde. Elles ne vont donc pas prêter à n’importe qui sans un minimum de garantie. Les banques ne sont pas là pour suppléer les insuffisances de fonds propres des entreprises.

Propos recueillis par Dominique.

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