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Le but de l’entreprise est-il de faire du profit ?

par Gilles Rigourex
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Plusieurs commissions planchent sur la nature de l’entreprise dans l’optique de modifier sa définition juridique et d’y introduire son rôle sociétal. Mais de manière simple, qu’est-ce qu’une entreprise ? Quels sont ses objectifs ? Comment devrait-on mesurer sa performance ?

Dimanche matin 18 février dans « C’est arrivé demain » sur Europe 1, David Abiker (pur produit Sciences-Po EcoFi), interviewant le PDG de la Camif[[Entreprise française de vente aux particuliers spécialisée dans l’équipement de la maison et de la personne.]] sur la fameuse loi société, a prononcé la phrase suivante : « Vous serez obligé, Emery Jacquillat, de toujours gagner de l’argent, de toujours rémunérer vos salariés, ils voudront toujours des augmentations, vos fournisseurs ne voudront pas que vous leur achetiez leurs produits à bas prix, votre écosystème va rester avec, je dirais, les travers et les habitudes congénitales du capitalisme ». Le thème de l’interview était : « Les entreprises sont-elles seulement là pour faire des profits ou distribuer des dividendes à des actionnaires ? ».

Quel entrepreneur ne s’est pas senti agressé, voire vilipendé, par de tels propos ? Combien d’entrepreneurs se lèvent le matin et se regardent dans la glace, pour se raser s’ils sont des hommes, ou se maquiller s’ils sont des femmes, en se disant : comment vais-je faire davantage de profit aujourd’hui ?

Qu’est ce qu’une entreprise ?

Les entreprises se créent parce que les hommes éprouvent des besoins et qu’ils s’organisent pour les satisfaire. Ces besoins sont matériels, en ce cas ce sont des biens, ou immatériels, en ce cas ce sont des services.

Le but premier de l’entreprise est donc de produire des biens et des services, pour répondre à des besoins, des attentes. Tous ces besoins sont plus ou moins nécessaires (manger versus acheter une console de jeu) et plus ou moins moraux (acheter un livre d’histoire versus consommer de la pornographie).

Pour produire ces biens et services, l’entreprise s’organise, individuellement (artisan, libéral, autoentrepreneur, etc.) ou collectivement (sociétés avec salariés, etc.).

Pour que l’entreprise se développe et au minimum survive, elle doit dans l’ordre de priorité :
1. Avoir des débouchés ;
2. Engager une main d’œuvre appropriée ;
3. Se financer.

L’entreprise doit vendre sa production

L’entreprise doit vendre sa production, c’est-à-dire satisfaire des besoins et des attentes, ou à défaut susciter chez les consommateurs un nouvel appétit ou un nouveau besoin. Et elle doit le faire aussi bien ou mieux que ses concurrents en ajustant la qualité et les prix. Chaque matin l’entrepreneur se pose la question : comment vais-je vendre avec un meilleur rapport qualité – prix ?

Le marché est-il à même de s’autoréguler pour qu’il n’y ait pas de manipulation scandaleuse du consommateur ? En théorie oui, si tant les consommateurs que les producteurs sont multiples et ont une parfaite connaissance de l’offre et de la demande. Mais c’est théorique et les ententes (opérateurs téléphoniques, compagnies pétrolières) ou les tricheries (diesel, obsolescence programmée) peuvent pervertir le marché. D’où le rôle de l’Etat pour réguler (obligations d’informations, respect de certaines exigences collectives = environnement, etc.) et veiller au respect de la libre-concurrence (mais non pour intervenir lui-même comme agent économique).

L’entreprise doit trouver sa main d’œuvre

L’entreprise doit trouver des personnes ayant les aptitudes nécessaires pour fabriquer et vendre le bien ou le service en question. Et si le marché du travail est suffisamment flexible, l’entreprise a tout intérêt à répondre au mieux aux attentes de ses employés (salaires, avantages sociaux, ambiance, etc.) si elle veut attirer et garder les talents dont elle a besoin. Chaque matin, l’entrepreneur se pose la question : comment vais-je attirer et garder le meilleur ingénieur, les ouvriers et les employés les plus motivés, le commercial le plus performant ?

Parmi les attentes de tous ces collaborateurs, il peut y avoir une certaine participation aux décisions stratégiques de l’entreprise, mais cela n’est pas généralisable. Donc il faut la faciliter mais ne pas la rendre obligatoire.

L’entreprise doit financer son démarrage et ses investissements

L’entreprise peut trouver du financement par le ou les créateurs de l’entreprise, par les actionnaires, par les banques et organismes financiers. Tous ces acteurs attendent une juste rémunération de leur engagement à risque. Chaque matin, l’entrepreneur se pose la question : comment vais-je attirer des actionnaires pour souscrire à mon augmentation de capital, comment vais-je convaincre le banquier de me prêter la somme dont j’ai besoin pour investir ?

Aujourd’hui, malheureusement, la perversion de certaines pratiques de la finance (trading à haute fréquence, etc.) pervertissent le système financier et lui donnent une mauvaise image, car il travaille pour lui-même et non plus en support de l’économie réelle. En effet, le capital de l’entreprise, dont la fonction première est d’assurer sa pérennité dans le temps long (on parle bien de « capitaux permanents ») est devenu de facto volatile via la bourse et l’anonymat. Il ne remplit donc plus sa fonction essentielle, et oblige nombre de dirigeants salariés à privilégier outre mesure les actionnaires, devenus court-termistes, parfois au détriment des clients et des salariés.

On constate cependant que les PME, où ce problème ne se pose pas, ont généralement une bonne image. Les études montrent que les sociétés familiales ont une vision à long terme et ont généralement de meilleures performances sociales et financières que les sociétés à l’actionnariat dispersé, voire détenu par des fonds spéculatifs.

Le but de l’entreprise est-il donc de faire du profit ?

Non, le but premier de l’entreprise n’est pas le profit. Le but premier de l’entreprise est de dégager du résultat. Dans les comptes et les bilans des entreprises, il n’y a pas de ligne « profit ». Il y a des lignes « résultat » (résultat d’exploitation, résultat net, etc.), et si le résultat est positif c’est du profit, s’il est négatif c’est une perte. Est-ce une simple question de sémantique ?

Non. Car être performant et atteindre des résultats, tout le monde le souhaite, les entreprises certes, mais aussi les sportifs, les politiques, les artistes, etc. Et le résultat tel qu’il est mesuré pour les entreprises est le meilleur et l’unique indicateur synthétique. « Faire du résultat » positif est la condition de la survie de l’entreprise. Et il signifie, dans la durée, que l’entreprise traite bien ses clients, son personnel, ses banquiers, ses actionnaires. Il est le gage de la bonne santé de l’entreprise.

Or aujourd’hui, et chaque jour davantage, les clients, les salariés, et même les financiers, sont très sensibles à l’engagement social de l’entreprise, qui est devenu l’un des facteurs de la performance et donc du résultat. Les médias ne cessent de se faire l’écho des bons ou des mauvais comportements sociétaux des entreprises.

Le PDG de la Camif, Emery Jacquillat, a d’ailleurs très bien répondu à la question du journaliste, en expliquant qu’aujourd’hui la RSE, ou la responsabilité sociale des entreprises, est extrêmement répandue dans la plupart des entreprises. Pour la Commission européenne, la RSE est un « concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire ». Selon le ministère français de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, c’est « la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable ».

Bien évidemment, gagner de l’argent et devenir riche fait partie des motivations des entrepreneurs. C’est pourquoi ils acceptent de prendre des risques. Mais ils savent tous que c’est une espérance de gain qui repose d’abord et avant tout sur leur passion, leur ingéniosité, leur capacité à rassembler et à s’organiser. Leur but premier est d’assouvir leur passion et le résultat, le profit, n’en sera que la récompense.

 

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2 commentaires

zelectron février 25, 2018 - 7:32 pm

pouah ! quelle horreur! : faire du profit, c’est la honte !
une entreprise doit faire des pertes, salarier ses collabos au moins autant sinon plus que les fonctionnaires de mêmes grades avec si possible encore moins de responsabilités (ce qui est quasiment impossible), avec un rendement plus faible encore (là aussi tâche herculéenne) et des primes de ceci et de cela soigneusement payées en dehors du bulletin de salaire, 8 à 9 semaines de congés payés, et j’en passe . . . tout cela pour finir par des difficultés financières (la faute à pas+de+chance) grèves et autres manifestation de pneus brûlés ou autres bombonnes de gaz à côté de l »acide sulfureus-hic (ce sont les libations avec les kamarades)
voilà le monde tel qu’il est et que les gens de bon sens ne voudraient pas qu’il soit !

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Eschyle 49 mars 13, 2018 - 11:51 pm

Le but de l’entreprise est-il de faire du profit ? Ou l’erreur du rapport Notat – Senard
Le but de l’entreprise est-il de faire du profit ? Ou l’erreur du rapport Notat – Senard

Tableau 46, page 75, le taux d’imposition d’une entreprise est de 62,2 % : https://www.pwc.com/gx/en/paying-taxes/pdf/pwc_paying_taxes_2018_full_report.pdf

Rapport Notat – Senard : https://brunodondero.files.wordpress.com/2018/03/entreprise_objet_interet_collectif_4.pdf

Au 31 décembre 2015 , page 97 :
(a) entreprises de 0 salariés : 3 199 674 ( 72,86 %) cumul : ( 72,86 %)
(b) entreprises de 1 à 9 salariés : 987 458 ( 22,49 % ) cumul : ( 95,35 %)
(c) entreprises de 10 à 49 salariés : 169 001 ( 3,85 % ) cumul : ( 99,20 %)
(d) entreprises de 50 à 249 salariés : 29 011 ( 0,66 % ) cumul : ( 99,86 %)
(e) entreprises de 250 salariés et plus : 6 215 ( 0,14 % ) cumul : ( 100,00 %)
total : 4 391 359 ( 100,00 % ) cumul : ( 100,00 %)

En clair , les auteurs ont consulté les organisations représentatives de ( 100,00 – 95,35 ), soit 4,65 % des entreprises françaises ( CPME, MEDEF ) .
Autrement dit , 95,35 % des entreprises sont ignorées , sauf pour les taxer à 62,2 % ; d’expérience , dans une fourchette de 85 à 90 % .

Dernière année publiée , 2009 : https://www.forbes.com/global/2009/0413/034-tax-misery-reform-index.html#4ede10b743b3

A comparer avec Doing business ( Singapour, 2 ; France, 31 ; Somalie, 190 ) : http://francais.doingbusiness.org/rankings
Mais qui a-t’on consulté ( page 97 ) au titre des  » autres personnalités qualifiées  » ? Jacques ATTALI, Président du mouvement pour une économie positive .

Bref , le type qui déclenche un cataclysme , chaque fois qu’on lui confie une responsabilité : http://www.claudereichman.com/articles/martoiamareenoire.htm

Le type secondé par Blythe Masters : http://le-blog-finance.com/decideurs/blythe-masters-ange-noir-finance/

Le type auteur de la fameuse  » proposition 213  » , aujourd’hui opportunément Alzheimer : http://www.liberationdelacroissance.fr/

En effet , quel est le point commun entre Jean-Marie Le Pen ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Marie_Le_Pen ) , Maxime Gremetz ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Maxime_Gremetz ) et Philippe Bouvard ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Bouvard ) ?

Lorsque , le 9 juin 2008, Madame Rachida Dati a annoncé la suppression sans indemnité des avoués , ce sont les trois seules personnes publiques à avoir immédiatement compris la catastrophe se profilant à l’horizon : destruction de 235 entreprises ultra performantes ;
expropriation de 444 chefs d’entreprise , tous titulaires d’une expertise aussi ancienne et complexe que celle des compagnons du Tour de France ( les bâtisseurs de cathédrales) ; licenciement , mise au chômage définitif et disparition des statistiques de 1950 salariées ,
à telle enseigne que Patrice Gélard , président de la commission des lois du Sénat , emploiera dans un rapport le terme de « carnage social » ; allongement de la durée des procédures, de neuf mois, à trois ans ; augmentation du coût des procédures, de 900 € (et encore, pour la partie gagnante, dont les frais étaient payés par son adversaire, le coût de son avoué était gratuit ) à une fourchette de 3600 à 8000 € ( dixit Madame Christiane Taubira, au JOAN du 10 octobre 2014 , ces trois chiffres, répétés deux fois , n’ayant été contestés par personne, ni dans l’hémicycle, ni en dehors ) ; augmentation, en cinq ans, des sinistres professionnels , des avocats, de 40 % , à telle enseigne qu’il a déjà fallu majorer de 20 % les primes d’assurance responsabilité des avocats , et que l’on voit se profiler le jour où toutes les compagnies
d’assurances refuseront de couvrir le contentieux d’appel ; disparition, en une décennie , du savoir-faire sur lequel reposait le fonctionnement des cours d’appel, c’est-à-dire avec un risque évident d’implosion de la justice française .

Or, le 15 mars 2018, le Garde des Sceaux va annoncer la suppression de 17 des 36 cours d’appel ( en Aquitaine, il n’y a pas moins de cinq cours d’appel : Bordeaux, Agen ,Poitiers , Limoges , Pau ; en Occitanie , il n’y a pas moins de trois cours d’appel : Toulouse , Nîmes , Montpellier ) ; et, dans la foulée, la moitié des tribunaux de grande instance va être également supprimée .

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