Page d'accueil Regards sur l'actualité Le Président, au nom de « l’intérêt général », n’a nulle intention d’apaiser la foule des « factieux »

Le Président, au nom de « l’intérêt général », n’a nulle intention d’apaiser la foule des « factieux »

par Bertrand Nouel
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C’est un discours d’une rare détermination voire agressivité que nous a servi le Président ce mercredi à l’heure du déjeuner.

Les médias se demandaient comment il allait s’y prendre pour apaiser le peuple français, qui devait à l’évidence être l’objectif de sa prise de parole. Eh bien, c’est tout le contraire que nous avons entendu. Résumer ce discours tient en très peu de mots : au journaliste lui demandant quel message d’apaisement il allait apporter, il a brusquement coupé la parole en affirmant que, non, ce n’était pas un message d’« apaisement » mais un message de « clarification », et qu’il était parfaitement clair que la réforme, après avoir suivi la procédure « démocratique » de sa soumission au Conseil constitutionnel, entrerait en vigueur en septembre de cette année. À quelques minutes de distance, on entendait aussi le Président affirmer qu’ « entre les sondages et l’intérêt général », il avait choisi « l’intérêt général ». À rapprocher de son affirmation la veille distinguant peuple et foule, selon laquelle « la foule n’a pas de légitimité » face au « peuple, qui s’exprime à travers ses élus » (allusion à la phrase de Victor Hugo, « souvent la foule trahit le peuple »).
Ce discours jupitérien – certes, traiter la foule d’un assemblage de « factieux » est plus qu’osé – n’a aucun des objectifs que voulaient lui assigner les médias. Ni l’objectif d’expliquer la réforme des retraites, ce qui aurait été tout à fait inutile, vu le rabâchage qui a été pratiqué durant de longs mois. Ni surtout l’objectif d’apaiser la nation, comme si la France devait tendre vers l’obtention d’un consensus, et comme si le travail du Président était paternellement de le faire naître. Jacques Chirac avait été élu sur le thème de la fracture sociale, mais n’avait joué qu’au roi fainéant selon son successeur ; douloureusement, Emmanuel Macron ne se fait pas, ou plus, d’illusion sur la réduction de cette fracture, et prend le taureau par les cornes.
Pour lui, la réforme des retraites telle qu’il la voit est essentielle. Au point peut-être, s’il avait perdu le vote sur la motion de censure, qu’il aurait été saisi par la tentation gaullienne d’Irlande. Il pense être le seul « responsable », celui qui ne veut ni augmenter les impôts, ni consacrer de nouvelles ressources publiques au financement des retraites, qui reposent sur le principe de la répartition et qui sont de plus en plus financées par l’État en ponctionnant notamment les ressources de TVA. Or il sait que les alternatives proposées par les syndicats et opposants politiques ne reposent que sur l’augmentation des impôts ou de la dette publique. Être responsable est aussi rompre avec l’aggravation des déficits et de la dette publique, tout le monde le lui en rappelle tous les jours l’impérieuse nécessité, et notamment la Cour des comptes. Donc il ne doit pas flancher sur ce point au nom de l’intérêt général auquel il ne manque pas de se référer.
Le jeune Président de 2017 a probablement évolué sur ce point comme sur d’autres, celui du nucléaire notamment. Errare humanum est, perseverare diabolicum. Il sait maintenant qu’il doit entrer en guerre pour des raisons supérieures, il en fait le pari, sans savoir bien sûr, pas plus que nous, s’il le gagnera. Mais cette guerre est, pensons-nous, légitime, même si son fondement démocratique est quelque peu douteux quoique constitutionnel. La démocratie a ses limites cependant[[Nous venons de voir que la nation suisse, probablement la plus proche de la démocratie directe, venait en quelques heures d’assurer l’avenir du Crédit suisse sans demander son avis au peuple, en imposant la fusion avec l’UBS, d’ailleurs très critiquée pour les avantages consentis à cette dernière. Le gouvernement l’a décidé de plus dans des conditions juridiques plus que douteuses, sans passer par une assemblée générale des actionnaires, et en imposant aux détenteurs des obligations juniors, par l’amortissement immédiat de leurs titres, la perte totale de 16 milliards de dollars, alors qu’ils auraient dû venir en priorité par rapport aux actionnaires, qui eux reçoivent une fraction de la valeur nominale de leurs actions. Nécessité fait loi quand il le faut.]], et pour paraphraser Victor Hugo, souvent le peuple trahit l’intérêt général, ne serait-ce que par méconnaissance.
Emmanuel Macron fait son métier de Président. Doit-on le lui reprocher ?

 

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