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La fable du roi et des retraites

par Yves Montenay
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Il était une fois une petite île où vivaient cent adultes qui mettaient facilement de l’argent de côté car ils n’avaient pas d’enfants.
Plutôt qu’un texte technique de plus, voici une petite fable. Car socialement et financièrement, tout a été dit, notamment sur le ratio cotisants-retraités, ce qui est un grand progrès par rapport aux considérations idéologiques qui subsistent encore. L’iFRAP[[Voir l’article : Retraite proportionnelle possible au bout de 15 ans : le très généreux régime des agents parlementaires]] a réalisé d’excellentes études. Mais le fond du problème n’est pas l’argent. Lisez !

Il était une fois une petite île, où vivaient cent adultes qui mettaient facilement de l’argent de côté car ils n’avaient pas d’enfants. Quand leurs vieux jours arrivèrent, leur compte en banque était bien gras, mais il n’y avait plus rien au marché car plus personne ne labourait les champs. Ils moururent tous de faim sur leur tas d’écus.

Mais, me direz-vous, chez nous, c’est différent : les gens ont des enfants !

Dans l’île voisine vivaient aussi cent adultes dont 50 travaillaient. Leur roi leur conseilla d’avoir des enfants. Ces cent adultes, soit cinquante couples, firent donc un enfant. Quand la retraite vint, il y avait donc cent vieux, cinquante jeunes en âge de travailler et leurs enfants. Donc, mettons deux cents personnes à nourrir au lieu de cent pour le même nombre d’actifs. Famine, faute de gens dans les champs. Mais les fonctionnaires exigèrent de rester nombreux et de conserver leur part de nourriture. Et les vieux moururent de faim sur leurs tas d’écus.

Dans l’île voisine, le roi conseilla d’avoir plusieurs enfants. La moitié en eut quatre, l’autre moitié aucun, préférant mener la belle vie et entasser les écus. À la retraite, il y eut donc cent vieux et cent jeunes. Il y avait assez de nourriture pour tout le monde, mais tout juste. Les vieux riches qui n’avaient pas eu d’enfants pensèrent bien manger. Mais les jeunes et leurs parents se servirent en premier et n’apportèrent que peu au marché. Les riches dépérirent sur leurs tas d’écus. Puis la médecine progressa et il y eut bientôt cent cinquante vieux. Ou plutôt il y en aurait eu cent cinquante si les plus fragiles n’étaient pas morts de faim.

Mais, me direz-vous, chez nous, c’est différent, les systèmes de retraite nous donnent des droits !
Sur une île voisine, on portait ses écus à une organisation qui vous donnait en échange un papier où étaient inscrits vos droits. Les écus allaient aux retraites des vieux de la génération précédente. Le jour de leur retraite, ceux qui avaient beaucoup de droits, car ils avaient beaucoup cotisé n’ayant pas d’enfants, se présentèrent pour toucher leur grosse retraite. Mais les caisses étaient vides car leurs cotisations avaient été versées à la génération précédente ou à des entreprises qui n’avaient plus assez d’employés et de clients. Les vieux manifestèrent pour réclamer leurs droits. Pour respecter les engagements de l’État, le roi taxa donc les jeunes. Ce fut une révolte générale. Les vieux ne touchaient que la moitié du revenu des jeunes et les jeunes étaient furieux de se voir retirer cette moitié. Ils finirent par émigrer, laissant les vieux sans enfants mourir de faim avec leurs mirifiques contrats.

Les vieux qui étaient encore valides travaillèrent. Dans l’île où il n’y avait pas d’enfants, cela ne fit que retarder l’échéance et ils moururent tous de faim. Dans les autres îles, on prit l’habitude de travailler après 60 ans, et avec ce renfort du troisième âge, les jeunes purent nourrir le quatrième âge.

Dans une autre île, le roi envisagea d’attirer des jeunes. Mais nous avons vu que les îles voisines, de même race et de même religion, manquaient également d’enfants. Arriva alors un bateau de réfugiés à la peau sombre fuyant un mauvais gouvernement. « Voici des jeunes », dit le roi. « Quoi !? rétorquèrent les habitants. Ils n’ont pas nos habitudes ni notre religion. Et peut-être, quand nous serons âgés et faibles, nous jetteront-ils à la mer ! » ; « C’est bien possible, dit le roi, mais c’est cela ou travailler jusqu’à 80 ans car nos propres jeunes vont partir si tout doit reposer sur eux ! » 
Je passe sur les problèmes qui suivirent.

Cette petite fable montre à quel point sont liées les retraites, la natalité et l’immigration. Le lien, c’est la production. Celle des biens et services à produire de manière suffisante pour tous. Et qui dit production dit travail. Et qui dit travail ne dit pas retraite.

On meurt de faim même avec de l’argent si la production ne suit pas parce que trop d’actifs prennent leur retraite. Les économies, les retraites, les promesses des politiques, les pensions du gouvernement, les assurances privées ou publiques, les retraites versées par les organisations de gauche ou les fonds de pension de droite ne servent à rien, comme les tas d’écus de notre fable.
Car il n’y aura rien à acheter. Il n’y aura pas de pain dans les boulangeries, pas d’infirmières pour vous soigner. Et ne me dites pas : « il faut prendre l’argent là où il est », en pensant aux multinationales ou aux riches héritiers. Même si vous leur arrachez leur argent par l’impôt ou par la force, il n’y aura toujours pas de pain à acheter. Ou assez d’infirmières pour vous soigner.
Mais, allez-vous dire, moi Européen, j’ai sur mon compte les euros de ma retraite… Je vais acheter de la nourriture aux Chinois !

La réponse est simple : pourquoi les Chinois voudraient-ils de vos euros ? Ils ne valent plus rien, puisqu’il n’y a rien à acheter en Europe… depuis qu’elle croule sous les retraités. Et d’ailleurs, les Chinois n’ont pas plus d’enfants que les Européens et mourront de faim avec eux.
 
Quelques remarques :
Ce texte est valable en capitalisation comme en répartition.

En France, nous serions à l’abri grâce à nos deux enfants par femme. D’abord, ce n’est vrai que depuis l’an 2000, donc ce sont pour l’instant des bouches à nourrir. Il faudrait aussi que nos jeunes n’émigrent pas et que ceux qui restent, de souche ou pas, soit bien formés.

L’Allemagne a peu d’enfants mais attire les jeunes Européens (Italiens, Espagnols, etc.), la catastrophe y sera donc peut-être moins forte que prévu. Par contre, elle sera pire dans les pays ainsi déshabillés.

Belles discussions en perspective sur la solidarité européenne

Article publié dans Le Cercle Les Échos, le 21 août 2013.

 

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2 commentaires

Moulin février 14, 2023 - 9:41 am

Le billet ne va pas au bout de sa logique
Le billet ne va pas au bout de sa logique

La logique serait d’appliquer un coefficient multiplicateur aux retraites des femmes selon le nombre d’enfants élevés. Bien élevés ?
Actuellement les mères gagnent quelques trimestres de cotisations .
Et le père ?
Du brainstorming est nécessaire pour modéliser les modalités d’un programme de stimulation de la natalité . Par certains cotés l’IRDEME et Montenay ont une certaine légitimité.

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Philippe Odouard février 19, 2023 - 6:50 am

La fable du roi et des retraites
Excellent article qui montre bien la voie a suivre. Encourager le natalite et une immigration choisie au moyen terme afin d’ameliorer le ratio cotisants/retraites. La France a eu tendance a oublier le volet natalite et a accepter n’importe quelle immigration. Mais la France fait mieux que ses voisins avec 1,2 a 1,5 enfants par femme et qui sont condamnes a une decroissance drastique(pays de l’Est, Chine, Japon ,Coree du Sud).L’immigration choisie et reussie est illustre par l’Australie. Immigration qui s’integre de gens formes sur les jobs en manque dans l’economie.

A court terme, il faut retarder les departs a la retraite conformement au programme actuel de Macron. Plus il y aura de concessions en 2023, plus vite il faudra une nouvelle reforme qui demandera des efforts supplementaires. Sinon, comme dans la fable, les vieux devront faire avec moins et crever la faim encore plus que maintenant.
L’argument de l’etat de sante des salaries a 64 ans est digne d’il y a 50 ans. La plupart des salaries ont une esperance de vie en bonne sante tres superieure a celle d’autrefois et a 64 ans. Les conditions de travail se sont considerablement ameliorees depuis 50 ans, rendant les arguments de penibilite marginaux dans les negociations des retraites.

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