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La base de données de Thomas Piketty :

par Valérie Pascale
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Les médias ne cessent de nous répéter que notre monde devient de plus en plus inégalitaire. Une seule base de données nourrit presque une centaine de pays en proposant en un seul clic des conclusions sur l’évolution scandaleuse des inégalités depuis le 19e siècle. Elle s’appelle World Wealth and Income Database. Mais qu’en est-il vraiment et ces bases de données sont-elles pertinentes ?

Qu’est-ce que cette fameuse base « WID « ?

Cette base a été lancée en 2011 par l’économiste parisien Thomas Piketty et s’appelait alors World Top Incomes Database (WTID), puisqu’elle contenait des données uniquement sur les très hauts revenus pour une trentaine de pays développés. Thomas Piketty s’est associé à une centaine de chercheurs et assistants pour développer cette base en combinant notamment des données des déclarations fiscales, de la comptabilité nationale et des séries statistiques élaborées par d’autres économistes pour pouvoir isoler des très hauts revenus comme les 0.1%, 0.01 et 0.001% des plus riches et suivre dans le temps l’évolution de leurs revenus.

Cette base se voulait révolutionnaire dans le sens où elle réunissait dans le même endroit plusieurs pays et se considérait comme étant la plus complète de toutes les bases existantes. Thomas Piketty reconnait lui-même que sa base a eu un impact spectaculaire dans le débat sur les inégalités au niveau mondial. Elle prétend fournir des statistiques plus précises que toutes les autres bases, qui calculent traditionnellement la part des plus hauts centiles par une simple interpolation de Pareto.

Plusieurs publications[[Piketty (2001, 2003), Piketty et Saez (2003), Atkinson et Piketty (2007, 2010), Atkinson et al. (2011), Alvaredo et al. (2013).]] de Thomas Piketty et des économistes proches de lui ont eu lieu avant le lancement officiel de cette base de données. Et voilà la base sortie en 2011 en démonstration de la montée spectaculaire des inégalités dans le monde au cours du dernier siècle.

Chasse aux riches

Mais Thomas Piketty ne s’arrête pas là. En décembre 2015, il annonce la mutation de WTID, World Top Incomes Database, en WID, World Wealth and Income Database. Ce petit changement d’abréviation a un impact gigantesque dans le débat sur les inégalités, puisque désormais Thomas Piketty et son équipe prétendent détenir des séries précieuses non seulement sur les inégalités des revenus mais aussi sur les inégalités des patrimoines, et tout cela au niveau mondial.

Thomas Piketty est alors le premier à se lancer dans cette démarche napoléonienne à conquérir le monde par une bataille orchestrée contre les inégalités. En plus des données sur les très hauts revenus, cette nouvelle version de sa base de données contient des données sur l’évolution des ratios revenu-patrimoine sur de longues périodes. Intuitive, facile à comprendre, simple à explorer, cette base a plusieurs atouts. Comme pour la version précédente, l’arrivée de la nouvelle base a été préparée, elle aussi, par une série de publications de Thomas Piketty et des économistes proches de lui[[Piketty (2014), Piketty et Zuchman (2013, 2014), Saez et Zuchman (2013, 2014), Alvaredo, Atkinson et Morelli (2016), Garbinti, Goupille et Piketty (2016).]] qui ont assuré la diffusion des conclusions de cette base dans l’opinion publique. Le changement du nom de la base marque l’ambition d’orienter le débat vers les très hauts patrimoines, ce qui est plus en accord avec les tendances de la politique fiscale actuelle. Taxer les très hauts patrimoines pour combattre les inégalités, voilà ce que comprennent les citoyens.

En 2017, une nouvelle étape est franchie puisque Thomas Piketty investi dans un nouveau site internet en anglais dernier cri ((http://wid.world/), avec une visualisation spectaculaire des inégalités dans le monde. Cette nouvelle base de données poursuit trois objectifs principaux :

– Élargir la base dans le temps et dans l’espace. Les données sont disponibles actuellement pour 70 pays depuis le début du 19e siècle pour certains. L’ambition de Piketty est de rassembler les données notamment pour l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine. Ensuite, il compte fractionner les données au niveau sous-national, comme c’est déjà le cas pour les états américains et les régions de la Chine rurale et urbaine.
– Approfondir les données sur les inégalités de patrimoines et les ratios revenu/patrimoine.
– Fournir les ventilations de l’ensemble de la population et non pas uniquement les parts détenues par les plus riches.

À long terme, Thomas Piketty compte produire des comptes nationaux de redistribution (Distributional National Accounts) pour tous les pays dans l’esprit de la comptabilité nationale.

Ces bases de données sont-elles pertinentes ?

Comme nous allons le montrer, ces données ne sont pas une base pertinente à l’analyse, et ceci pour au moins trois raisons majeures :

– Tout d’abord, les revenus sont bruts et ne tiennent pas compte des politiques redistributives des pays, censées précisément réduire les inégalités. Cette base ne dispose donc que des revenus primaires avant la redistribution faite par l’État qui réduit considérablement la part des très hauts revenus dans le revenu global.
– Ensuite, la mobilité d’un centile à l’autre est très importante pour les revenus et les patrimoines, ce qui, en l’absence des séries longitudinales, rend par exemple impossibles les comparaisons dans le temps.
– Enfin, les patrimoines donnés dans la base ne permettent pas de distinguer les patrimoines des entrepreneurs qui sont utilisés pour créer les emplois et la richesse des pays. Or, est-il constructif d’accuser des hautes fortunes d’accumulation de richesse, si nous savons par ailleurs que ces fortunes représentent essentiellement des entrepreneurs qu’il nous faut pour créer la richesse nationale et assurer la reprise de l’emploi ? Reste-t-il quelqu’un qui croit encore que c’est l’État qui va faire sortir la France du chômage, et non pas les entreprises privées détenues par les entrepreneurs, définis comme étant excessivement riches par Thomas Piketty et ses collègues ?

Par ailleurs cette base ne mentionne pas que l’humanité a traversé le désert en passant de 90% de la population vivant en pauvreté absolue au début du 19e siècle à seulement 9,6% aujourd’hui[[En 1820, 94% de la population mondiale vivaient avec moins de $2 par jour et 84% avec moins de $1 par jour (données Bourguignon et Morrison). En 1980, 44% de la population mondiale vivaient avec moins de $1,90 par jour et 9,6% en 2015 (données de la Banque mondiale).]]. Ce résultat n’a évidemment pas attiré l’attention des médias absorbés par cette bataille pour un monde meilleur et égalitaire.

Qui sont ces chercheurs et d’où vient le financement de leurs travaux ?

Qui sont ces chercheurs internationaux qui consacrent leur temps et leur talent à l’élaboration de la base de Thomas Piketty ?

Tout d’abord, il y a the world inequality Lab, un laboratoire d’idées sur les inégalités qui siège à l’École d’économie de Paris, créée en 2006 par Thomas Piketty lui-même pour « relancer la recherche économique en France et la promouvoir au niveau international ». Chercheurs et assistants, ils sont au moins dix issus de ce « lab » à travailler à Paris sur cette base et préparent en ce moment le premier rapport annuel sur les inégalités dans le monde (World Inequality Report), dont la sortie est prévue fin 2017.

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Tous affilés à l’École d’économie de Paris ou à ses anciens élèves, ils travaillent depuis longtemps avec Thomas Piketty.

Ensuite, le « lab » travaille avec des chercheurs représentant 70 pays, mais plusieurs d’entre eux, souvent d’origine étrangère, font aussi partie de l’École d’économie de Paris en tant que chercheurs, assistants de recherche ou doctorants. Ils sont ainsi plus d’une centaine à travailler sur cette base de données et leurs noms – dont on trouve un extrait ci-dessus – sont aussi affichés sur le site de la World Wealth and Income Database.

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Le financement de la production et de la maintenance de la base de données provient essentiellement des fonds publics, à savoir des universités, des centres de recherche et des administrations accueillant les chercheurs (28%). À cela s’ajoute le financement venant de l’École d’économie de Paris (20%), elle aussi dépendante principalement de fonds publics. Ensuite, vient le financement du Conseil européen de la recherche (16%), de l’Agence nationale de la recherche (8%) et du Conseil de la recherche sociale et économique britannique (5%).

Sans surprise, la seule fondation privée participant à l’élaboration de la base de données de Thomas Piketty est la Fondation Ford (20%), connue pour son fort engagement dans la recherche en sciences sociales orientée à gauche dans le monde, via le financement d’échanges nationaux et internationaux d’étudiants et de chercheurs.

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Conclusion

Le message transmis par les médias est faussé, car ces économistes vivent des fonds publics de leurs universités ou d’organismes gouvernementaux. Ainsi, ils condamnent les inégalités, mais ils sont les premiers à bénéficier de telles positions qui justifient leur existence, tout en proposant des solutions faussées et dangereuses. Il y a bien entendu des « mauvais riches » mais en général, les entrepreneurs qui font fructifier la richesse en font également profiter les autres citoyens par des créations d’entreprises et d’emplois indispensables pour l’évolution harmonieuse de la société. Il ne faut pas chasser les riches, comme le préconise Thomas Piketty, au contraire, il nous en faut beaucoup plus si l’on veut sortir du chômage et de la stagnation économique actuelle.

 

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4 commentaires

HUBIN juillet 5, 2017 - 5:30 pm

La base de données de Thomas Piketty :
Piketty est bidon il ne cherche pas, il cherche à prouver que son intuition idéologique est bonne .
les inégalités ont baissé depuis Dickens , Tolstoi et Steinbeck , mieux encore la misère a baissé , surtout depuis la dernière guerre mondiale , car ce qui m’importe c’est MA situation , celle de mon proche , dans l’absolu , pas du tout ma situation relative avec tel ou tel milliardaire qui a le droit d’etre 100 fois plus riche que moi si moi je suis heureux de mon sort . l’exemple suisse est ici encore à méditer , beaucoup de riches , mais pas de pauvre et des emplois pour tous , y inclus des monceaux de français frontaliers trop heureux de pouvoir quitter chaque jour les services publics que le monde entier nous envie (waf waf ) pour jouir de la bonne exploitation capitalistique de nos voisins helvètes

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CANEPARO juillet 5, 2017 - 8:34 pm

La base de données de Thomas Piketty :
Bravo pour cet article. En effet il ne faut pas laisser Picketty mener un combat idéologique et sectaire contre le capitalisme et le libéralisme sous couvert de recherches scientifiques tronquées et fausses. Ces études tronquées et partisanes sont reprises par les journaux gauchistes tel libération sans retenues ni critiques. De plus elles se diffusent par l’intermédiaire d’autres journalistes de la presse écrite et orale qui les transforment en vérités sinon en dogmes de manière plus ou moins consciente. C’est un danger pour la démocratie. Il faut à tout prix rechercher l’exactitude dans les données et les raisonnements et combattre cette propagande.

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Peyo juillet 6, 2017 - 12:13 am

La base de données de Thomas Piketty :
Classique ! Quand le thermomètre indique une température qui ne convient pas on le déclare faussé. Pire : on accuse ses constructeurs. Le « Monde » a publié récemment quelques pages sur ce sujet.

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Gilbert Claret juillet 10, 2017 - 2:07 pm

La base de données de Thomas Piketty :
L’article de Valérie Pascale repose sur des informations sérieuses. Il est mesuré dans son analyse, ce qui les rend intéressant et respectable. Mais sa conclusion paraît un peu radicale par rapport au corps de l’article. Je ne doute pas que tous les chercheurs cités sont « embrigadés » par M. Picketty dans des recherches à sens unique afin de démontrer par tous les moyens l’existence d’un mal supposé : l’aggravation des inégalités dans le monde, tout en ignorant les aspects positifs apportés par la liberté capitalistique (très encadrée au demeurant dans les pays développés) dans le développement économique et social au niveau mondial.
Pour contrecarrer les « thèses » de M. Picketty d’une façon aussi scientifique que celle dont il se réclame, il faudrait disposer de bases de données et d’instruments d’analyse tout aussi performants que les siens.

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