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L’inflation est déjà là !

par Yves Buchsenschutz
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Notre ami Gérard Dosogne évoquait il y a quelques semaines le risque que nous courions de voir s’installer l’inflation : tout porte à penser qu’elle est déjà là, voici pourquoi : les deux leviers principaux de l’inflation sont d’un côté la lutte des classes, de l’autre les politiques monétaires des banques centrales. Un troisième levier est en cours de développement : la consommation de planète, un quatrième en gestation : la (dé)mondialisation.

L’inflation, lutte des classes

Je ne saurais dire si le ministre du budget de Monsieur Raymond Barre, Monsieur Bruno Durieux, fut le premier dans un article du monde dans les années 75 à assimiler l’inflation à la lutte des classes. Il n’empêche que son interprétation me semble particulièrement pertinente. Dans un système établi et à peu près stable, une catégorie professionnelle estime un jour qu’elle n’est pas traitée à sa juste valeur : elle va donc se démener (requêtes, interventions, grève, etc.) jusqu’à obtenir une augmentation générale qui fera que sa part du gâteau, au moins l’instant t, sera un peu plus importante qu’auparavant en valeur absolue mais surtout en valeur relative. L’histoire prouve que dans ce genre de cas la réaction des autres membres de la collectivité ne se fait pas attendre. Si les boulangers augmentent le prix de la baguette, les coiffeurs augmenteront le prix de la coupe de cheveux … ce qui déclenchera la grève de la SNCF dont les tarifs déraperont en conséquence. On peut aussi assimiler cela à une échelle de perroquet et la France a longtemps vécu dans ce système jusqu’à l’intervention du magicien Jacques Delors qui inventa de donner des augmentations en avance à un niveau d’inflation choisi et défini par le gouvernement, sans corriger ensuite d’un dérapage souvent plus élevé dans les faits. De fil en aiguille il réussit à guérir les Français de l’inflation endémique qui minait leur économie. Le système a été ensuite verrouillé par l’entrée dans l’€uro qui nous a obligé à un peu de retenue mais n’a pas empêché la France d’être un peu plus inflationniste que ses voisins du nord de l’Europe, ce qui explique en partie ses problèmes de compétitivité coût.
À date, nous démarrons avec une situation dégradée laquelle explique en partie le déficit de notre balance commerciale et derrière de la balance des paiements, mais nous nous sommes rangés bon gré mal gré dans le groupe des élèves raisonnables sinon sages.
Qu’en est-il aujourd’hui : question d’équité, nous venons brutalement d’envisager des hausses salariales de près de 10 % dans l’enseignement et la santé. On peut difficilement trouver plus déstabilisant surtout si on ajoute les 16 % en principe négociés dans l’hôtellerie restauration. On voit d’ailleurs déjà poindre dans les autres professions une tendance à arrondir les prix, encouragée par des pénuries ponctuelles. La France semblait démarrer dans cette nouvelle voie un peu moins vite que ses partenaires (inflation aux USA en 21 : 7 %, en Europe : 5 %, en France 2,8 %) mais elle part d’un socle fragile. À cela il faut directement ajouter les hausses de l’énergie qui ont peu de chances de se résorber car l’évolution de l’offre à toutes les chances de se rétrécir : en ce qui concerne les énergies fossiles, les intervenants vont forcément devenir beaucoup plus prudents sur les investissements compte tenu des incertitudes sur l’avenir ; la position concernant le nucléaire semble avoir évolué en sa faveur dans les dernières semaines mais c’est loin d’être gagné ; les investissements à consentir sont colossaux et le délai de latence pour disposer du productible est long et encore allongé par les hésitations répétées des décideurs. Au demeurant l’inflation des coûts de l’énergie se répercute par capillarité directement dans la totalité des consommations.

L’inflation, consommation de planète

À ceci il faut ajouter le verdissement général des opinions publiques. L’évaluation globale du surcoût des produits bio dans l’alimentation du pays est d’environ 30 %, ce qui pouvait se prévoir puisqu’on abandonne brutalement des années cumulées de productivité dans l’agriculture. Mais le phénomène se répand de manière quelque peu pernicieuse : vous avez probablement remarqué qu’il est maintenant difficile dans un certain nombre de points de vente traditionnels d’obtenir autre chose que des produits « bio ». Il y a fort à parier que la norme va glisser. À ceci il faut ajouter l’ensemble des législations et décisions concernant la « consommation » de planète. Il faut réimplanter des ours et des loups mais il faut aussi payer les brebis dévorées et les patous censés les protéger ; il faut limiter les pesticides mais il faut au bout du compte payer les baisses de rendement ; il faut limiter l’urbanisation mais le prix du foncier augmente … l’un des symboles les plus forts en train de s’installer est la taxe carbone. À partir du moment où le CO² est devenu une nuisance, non seulement à limiter, mais également à payer, on peut être certain qu’on la retrouvera un jour dans le prix exigé du consommateur.

L’inflation, démondialisation

Pour contrer la mondialisation et des délocalisations qui sont apparues pour le moins pernicieuses, on envisage aujourd’hui d’entourer l’Europe d’une sorte de mur douanier complétant les mesures de restriction des consommations de planète à nos importations. Non seulement on peut pénaliser les importations pour pratiques industrielles non vertueuses mais on voudrait de plus pénaliser des pratiques sociales devenues désormais de la concurrence déloyale : bas salaires, conditions de travail etc. tout est en place pour faire passer le prix du T-shirt importé de Chine ou du Vietnam de 10 € à 20 ou 25. Au demeurant, les discussions à l’organisation mondiale du commerce (OMC) vont devenir intéressantes.

? L’inflation, politique monétaire

Reste la seule nouvelle qui pourrait être un peu positive, à savoir, au moins de l’avis des monétaristes, l’utilisation de l’évolution des masses monétaires et des taux d’intérêt. Il est à peu près incontestable que la création massive de masse monétaire (ie quantitative easing) depuis plusieurs années a réussi à contenir l’inflation et à cadrer les taux d’intérêt très près de 0 %. Le système pour le moment semble se dérégler devant une reprise post pandémie trop puissante et l’échelle de perroquet évoquée en début d’article risque bien de rendre inopérant ce médicament miracle.
Les personnes rémunérées sur des bases fixes peuvent se faire du souci, et les emprunteurs à taux zéro se réjouir.

 

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2 commentaires

gerard dosogne janvier 27, 2022 - 6:41 pm

L’inflation est déjà là !
En complément de cet excellent article , je vous invite à regarder le séminaire donné le 12 janvier dans le cadre du Chicago Economic Outlook :
Inflation, Labor Markets, and the Future of the Global Economy

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André MOLIMARD février 4, 2022 - 10:43 am

L’inflation est déjà là ! Quid de la dette ?
Puisque vous évoquez Bruno Durieux et Raymond Barre, malheureusement disparu depuis quelques années , maintenant, je souhaiterais rappeler ce que disait le président de cette époque, VGE, vers 2020, concernant la dette : Quand les taux d’inflation seront remontés, nous ne pourrons plus rembourser ! La Grèce en plus grand, que personne ne sera, dans ce cas là, capable d’aider !??? et à cette dette, juste publique, celles des entreprises et des particuliers vient encore s’ajouter… Que faire ?

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