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L’INSEE s’intéresse-t-il aux entreprises ? 2/2

par Bernard Zimmern
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Pour pouvoir construire un nuage de Birch, pour savoir comment se créent les emplois, il faut avoir des statistiques qui suivent les entreprises dans le temps.
Lorsqu’un chercheur de l’INSEE, Claude Picart, a voulu, il y a environ 6 ans, savoir si la France créait des gazelles, ces entreprises, très peu nombreuses mais qui sont responsables d’une très grande partie des emplois, il n’a pas eu à l’INSEE ces données qu’en termes techniques on appelle les séries longitudinales, et a dû bricoler. Elles existent en Grande-Bretagne, aux USA, pas en France.
Pire, si l’on veut savoir quelles sont les statistiques de disparitions d’entreprises, elles n’existent pas en France ; alors qu’elles sont publiées de façon détaillée au Royaume-Uni, Allemagne, USA, etc.

L’INSEE ne s’intéresse pas aux entreprises ou fait seulement semblant. Certes, on peut trouver pour le moindre village de France la création d’entreprises des dernières années.
Mais suivre les entreprises dans le temps, ce qu’on appelle les « cohortes » ou les « séries longitudinales », l’INSEE ne les tient pas.
Il fait seulement tous les 5 ans une petite incursion dans cet espace avec l’enquête SINE.
Ceci l’oppose aux principaux instituts de statistiques étrangers comme le Census Bureau aux USA ou l’ONS au Royaume-Uni.

Pour avoir des cohortes, il faut aller consulter des bases de données privées comme Diane par le bureau hollandais Van Dijk, ou le pH Group du groupe Expérian.
Pourtant l’INSEE a tout pour de telles séries puisqu’il tient la base statistique sur laquelle sont référencées toutes les entreprises françaises : SIRENE.
Un seul malheur : SIRENE n’est pas à jour, car les disparitions d’entreprises ne sont pas systématiquement répertoriées. Un mailing sur la base SIRENE peut aisément retourner 20% de NPAI (n’habite pas à l’adresse indiquée).

La raison ? L’INSEE ne s’intéresse pas aux entreprises. Sinon, il aurait depuis longtemps fait changer la législation ; celle-ci oblige théoriquement toute entreprise à déclarer sa cessation d’activité mais elle est payante. Pourquoi vouloir faire payer une déclaration de cessation ? On est sûr que l’entreprise qui s’arrête n’ira pas verser une dîme qui ne lui rapporte rien. Et il n’y a pas de contrôle sauf des nettoyages ponctuels et localisés de temps à autres.
Destatis, l’organisation qui, en Allemagne, suit les entreprises et l’emploi, se repose sur la collecte des informations d’entreprises confiées aux communes ; et les déclarations de disparitions ne sont pas payantes.

Mais le résultat est que l’on ne connaît pas en France combien d’entreprises disparaissent du parc, que l’on connaît seulement les cessations de paiement, les entreprises qui ferment par décision judiciaire mais pas celles qui ferment de leur propre gré.
Quelles conséquences cela a-t-il ?
Ces relevés statistiques sont indispensables pour savoir quelles sont les entreprises qui créent des emplois, à quel stade de leur vie, dans quelles industries, avec quels financements, etc.

On est frappé de voir que dans la seule étude publiée par l’INSEE sur les gazelles, si importantes pour l’emploi, celle de Claude Picart de 2006, l’auteur ne s’est pas appuyé sur autre chose que l’enquête SINE seulement tous les 5 ans. Nadine Levratto d’Economix, pourtant un laboratoire de recherche universitaire de Nanterre dans une étude sur les ETI de 2010 n’a pu utiliser des série longitudinales mais seulement des coupes ce qui donne à ses résultats un certain flou (nous avons fait une étude similaire à partir de séries longitudinales et montré clairement quel était le taux de renouvellement des ETI et qu’il faudrait au rythme actuel une centaine d’années pour rattraper les Allemands ou les Britanniques.

L’ONS, l’homologue de l’INSEE au Royaume-Uni, s’est tellement préoccupé de ces questions qu’il a créé une branche le BIS, qui réalise des enquêtes mensuelles pour savoir, entre autres, si la création d’emplois par les entreprises va créer un excédent capable d’équilibrer ou même de dépasser les pertes d’emplois dues à la réduction du nombre des fonctionnaires et de la dépense publique.
Préoccupation à des années lumières apparemment de notre INSEE mais qui est critique pour le gouvernement Cameron pour savoir si ses réformes réussissent et qui aurait dû l’être sous le gouvernement Sarkozy quand a été lancée la RGPP. Mais faut-il rappeler qu’en France, les réformes faites jusqu’à présent par la droite ont toujours été faites au tiers ou au quart ?
Et que l’INSEE n’y est pas étranger par son absence ?

C’est ainsi que l’INSEE peut annoncer que la France est le pays qui crée le plus grand nombre d’entreprises en Europe et ne pas dire que l’emploi marchand y est quasi stagnant depuis 30 ans ce qui équivaut sur cette période à une perte de plus de 5 millions d’emplois par rapport à l’Angleterre ou à l’Allemagne (à population égale)

 

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