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L’INSEE au secours des socialistes

par Bernard Zimmern
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A l’automne 2001 se profile à l’horizon l’élection présidentielle du printemps 2002 – qui verra l’échec de Lionel Jospin, alors Premier ministre et l’élection de Jacques Chirac – mais également une montée du chômage qui manifestement va dépasser les 9%, voire 10%. C’est fâcheux pour un Premier ministre qui a lancé les 35 heures pour lutter contre le chômage et veut se présenter à l’élection présidentielle.
L’INSEE annonce le 31 octobre que l’institut calculerait le taux de chômage officiel de la France de façon différente à compter du 16 novembre 2001. Cette annonce est précédée, deux jours avant, d’une note de l’OFCE critiquant la méthode existante et exhortant l’INSEE à un changement.
Est-ce une coïncidence ? Jean-Paul Fitoussi, fondateur et président de l’OFCE, est conseiller économique de Lionel Jospin

Comment l’INSEE va changer ?

A la différence de beaucoup d’instituts de statistiques étrangers qui ont des enquêtes emploi mensuelles ou trimestrielles, l’INSEE a, à cette époque, une enquête annuelle qui se déroule en mars et pour les autres mois le taux de chômage est estimé en utilisant l’évolution des demandeurs d’emploi de catégorie 1 et 6 de l’ANPE qui est corrigé grâce à deux autres variables : l’évolution de l’emploi dans l’intérim (connu tous les mois grâce à l’Unedic) et la création d’entreprise.
Le nouveau calcul ne va plus prendre en compte ces deux variables, et le calcul va s’appuyer sur les chiffres de l’ANPE regroupant les catégories 1, 2 et 3 des demandeurs d’emploi fin de mois, en retirant de ce total les personnes ayant eu une activité réduite dans le mois, c’est à dire toutes celles qui ont travaillé plus d’une heure dans le mois. Ne seront donc plus comptés par l’INSEE que les chômeurs qui n’ont pas travaillé du tout.
L’INSEE va donc éliminer de son calcul tous les demandeurs d’emploi qui ont travaillé moins de l’équivalent d’un mi-temps. C’est ainsi que 400.000 demandeurs d’emploi, dont une grande partie des travailleurs intérimaires, vont être gommés du calcul de l’évolution du taux de chômage.

La justification du changement

1. La remontée du chômage au 2ème trimestre n’aurait pas lieu d’être

L’OFCE critique la méthode existante en expliquant qu’au 2ème trimestre elle aurait montré une remontée du taux de chômage, alors que d’après l’OFCE, compte tenu de l’évolution de l’emploi salarié supérieur à l’évolution de la population active, on aurait dû observer une stabilisation du taux de chômage. L’OFCE oublie de prendre en compte l’emploi non salarié, qui depuis 4 ans chute en moyenne de 20.000 personnes par trimestre, et l’augmentation des demandeurs d’emploi en activité réduite. En prenant en compte l’ensemble des demandeurs d’emploi on observe bien une remontée du taux de chômage comme l’INSEE l’annonce depuis mai 2001. Cette évolution est bien confirmée par l’évolution, aussi bien des demandeurs d’emploi de catégorie 1 que de la somme des catégories 1,2 et 3.

2. Les chiffres Eurostat indiquent une stabilisation pas une hausse

L’autre argumentation consiste à dire que selon l’Institut européen de la statistique Eurostat, le taux de chômage au cours des derniers mois en France aurait stagné à 8.5%. Aussi bien l’OFCE que l’INSEE considèrent qu’il est aujourd’hui souhaitable de s’aligner sur la définition utilisée par Eurostat.
Il faut savoir que la définition utilisée par Eurostat pour harmoniser les résultats pour des pays dans lesquels la notion d’activité réduite peut-être très différente, élimine du chômage toute personne ayant travaillé au moins une heure dans la semaine précédant l’enquête. Mais le travail à temps partiel subi (non choisi) représente une part importante de l’emploi en France (4.5%) en comparaison d’autres pays européens (Espagne 1.8%, Pays-Bas 1.4%, Allemagne 1.5%, Royaume-Uni 2.4%). Cette différence s’explique en grande partie par une politique de l’emploi en France qui prête pour le moins à question, l’État ayant multiplié les emplois aidés, ce qui encourage l’activité réduite. Ainsi en ne prenant pas en compte l’activité réduite on minimise considérablement le taux de chômage français par rapport aux autres pays européens.
Ce sont en France 1 million de personnes qui sont en temps partiel subi dont un peu moins de la moitié (400.000 [Demandeurs fin de mois inscrit à l’ANPE avec activité réduite de moins de 78 heures]) travaille moins d’un mi-temps. Il est donc légitime de prendre en compte ces 400.000 personnes dans le calcul du taux de chômage. Le taux de chômage n’est plus de 8.5% mais de 10.6% en septembre 2001.
Peut-on éliminer des chiffres du chômage des personnes qui, contre leur volonté, travaillent seulement quelques heures par semaine ?

Les modifications introduites par l’INSEE

Le changement le plus notable est donc la suppression de l’impact de l’évolution de l’emploi dans l’intérim, alors même que l’on sait que quand l’emploi intérim chute, le chômage augmente et inversement. Depuis le début de l’année l’emploi dans l’intérim a chuté fortement depuis janvier 2001, perdant 120.000 emplois [733.460 personnes en janvier 2001 et 615.840 en septembre 2001 d’après l’UNEDIC]. L’intérim est devenu en France le moyen pour les entreprises d’échapper au carcan du code du travail et dans les 1,5 million d’emplois supplémentaires créés en France depuis 1997, la croissance de l’emploi intérimaire représente 410.500 personnes de plus, près du tiers du total. En 2000, plus de la moitié des 700.000 intérimaires ont travaillé moins de 6 mois[Rapport Économique Annuel du SETT(Syndicat des Entreprises de Travail Temporaire)].
Cette surévaluation serait, selon l’OFCE, due à une surestimation de l’effet de la baisse du travail intérim depuis le début de l’année. Ce que ne dit pas l’OFCE c’est que si l’INSEE surestime cette hausse, alors depuis 1996 de la même manière la baisse du taux de chômage a été exagérée[D’après la méthode de calcul de l’INSEE en 1996 : Si l’emploi intérimaire a augmenté de 10.000 au mois de janvier son impact en avril sur la variation du chômage est estimé à –24.000.De même une chute de 10.000 de l’emploi intérimaire a un impact de 24.000 chômeurs supplémentaires.].

Les conséquences du nouveau calcul

Les travailleurs intérimaires travaillant en moyenne moins d’un mi-temps, ce sont eux qui vont être éliminés du nouveau calcul de l’INSEE. Ceci devrait permettre à l’INSEE d’afficher un taux de chômage stabilisé à 9% plutôt qu’un taux avoisinant les 11% et qui risque de remonter rapidement. En effet avec le retournement de conjoncture les travailleurs intérimaires sont touchés les premiers.
Ainsi au lieu d’un taux de chômage qui reflète la réalité économique des entreprises, l’INSEE va présenter dans les prochains mois un taux stabilisé aux alentours de 9%, ceci au moins jusqu’à la publication des résultats de la prochaine enquête emploi en juin 2002, après l’élection présidentielle.

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