Inde : la surprise

par Dominique Mercier
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Malgré une industrie à environ 17% de son PIB, on constate aujourd’hui que l’économie indienne se révèle incapable de mener les Indiens vers la prospérité. Elle semble par ailleurs condamnée à se désindustrialiser avant même d’être devenue une véritable nation industrielle.

Une conception assez répandue en économie est qu’un pays qui se développe bascule d’abord d’une économie agricole à une économie industrielle qui lui fait atteindre la prospérité. Une fois ce premier stade atteint, il basculerait ensuite dans une économie de services, société dite « post-industrielle ». Mais comme l’explique parfaitement un article[[Raymond Zhong, A blocked path to development, Walls Street Journal, 26 novembre 2015.]] du Wall Street Journal que nous résumons ici, il est frappant de constater que pour certains pays le schéma n’est pas du tout le même.

D’après une étude de l’université de Groningen, il apparait qu’à quelques exceptions près, les pays dont le pic de production manufacturière est survenu plus tard n’ont pas connu le même développement économique que les États-Unis, le Japon et les pays d’Europe. Outre l’effet date, il y a aussi un effet seuil, c’est-à-dire que les pays dont l’industrie n’a atteint un pic que de 20% du PIB -comme c’est le cas pour l’Inde – ne connaissent pas le même développement économique que pour les pays dont la fabrication a atteint 30%. Pour un ensemble de raisons, il semblerait que les pays qui n’ont pas réussi une industrialisation suffisamment poussée soient désormais contraints[[En tous cas sur les produits la compétitivité prix prime.]] à la désindustrialisation progressive.

Ces quinze dernières années, la Chine, en effet, est devenue un concurrent redoutable. Sa main-d’œuvre est payée trois fois plus cher que la main-d’œuvre indienne, mais sa production massive lui permet des économies d’échelle et la vente de produits à prix cassés. Le régime autoritaire chinois a d’ailleurs été un atout pour construire des autoroutes et libérer des terres, créant une infrastructure favorable. Ces différents éléments ont rendu le duel de plus en plus insoutenable et beaucoup d’entreprises indiennes positionnées sur la compétitivité prix ont dû fermer une partie de leurs usines. De manière liée, le déficit commercial de l’Inde avec la Chine est passé en 10 ans de 1,5 milliard de dollars… à 48 milliards. En outre, avec des barrières commerciales moins importantes et l’amélioration des moyens de communication, on assiste à un éclatement de la chaîne logistique : l’Inde se retrouve désormais en concurrence avec le Bangladesh ou le Vietnam pour certaines parties des processus de fabrication.

En conséquence, l’industrie manufacturière indienne se révèle de plus en plus incapable d’absorber la hausse fulgurante de sa force de travail. Entre 2005 et 2012, alors que 55 millions d’Indiens supplémentaires qui sont venus grossir ses rangs, seuls 6 millions de nouveaux emplois ont été créés dans la fabrication (et 21 millions dans les services). À Gujarat – la région la plus dynamique de l’Inde pour la fabrication, les usines ont contribué à 23% du PIB en 2011… mais elles n’ont jamais employé plus de 5,4% de la population[[Pic atteint en 1984.]]. En cause la robotisation croissante, qui s’annonce comme une tendance lourde. Au niveau mondial, la vente de robots industriels a augmenté de 30% l’année dernière, atteignant un record de 230.000 unités vendues, et l’International Federation of Robotics prévoit un quasi doublement d’ici 2018.

L’Inde doit donc envisager d’autres alternatives pour son modèle de développement économique. Elle s’est déjà diversifiée via le développement de logiciels, et des services d’externalisation pour les entreprises. C’est d’ailleurs aussi grâce à ces activités qu’elle a connu une croissance rapide ces 15 dernières années. Avec le cloud et le développement de logiciels standards, il semblerait cependant que les entreprises aient de moins en moins besoin de développeurs et techniciens indiens. Ces alternatives seront donc probablement insuffisantes pour absorber une population en âge de travailler qui augmente d’un million tous les mois. Rappelons que dans sept ans, l’Inde sera vraisemblablement le pays le plus peuplé au monde, avec 1,7 milliard d’habitants.

 

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