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Impôt mondial sur les sociétés

par Yves Buchsenschutz
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Depuis quelques jours, le Landerneau gouvernemental étatiste et gauchiste retentit de cris de victoire : on a enfin résolu la quadrature du cercle, même les États-Unis soutiennent la création d’un impôt sur les sociétés minimum mondiales ; c’en est fini des paradis fiscaux !
C’est en effet une grande victoire, sauf pour l’Irlande dont l’impôt est actuellement à 12,5 % et quelques îles exotiques qui ont probablement un taux encore plus faible.
Cela nous conforte dans notre idée de justice et d’équité : tout le monde sera désormais, sinon logé à la même enseigne, du moins pas complètement indemne de taxation. Par ailleurs le produit de ce nouvel impôt reviendrait désormais à ceux qui ont participé, en particulier géographiquement, à la création de cette richesse.

Qui peut souhaiter mieux ? Voire ?

Pourtant une fois de plus un problème qui semble se poser simplement n’a pas forcément que des solutions simples :

• Dans le cas précis il s’agit en fait de fixer des normes communes. C’est effectivement en général un moyen d’assurer une égalité des chances à tous les compétiteurs. Quiconque a déjà travaillé dans un syndicat professionnel est par contre bien au courant du fait que les normes, si elles alignent les conditions de concurrence pour le futur, ne sont pas forcément également faciles à respecter pour des concurrents partant de situations différentes. Bien souvent les normes sont alignées plus sur l’intérêt du plus fort que sur une sorte d’intérêt général raisonné. Elles font par ailleurs disparaître tout ou partie d’avantages compétitifs dans la mesure où tout le monde devra s’aligner. Par exemple équiper une voiture d’un rétroviseur ou d’un essuie-glace est un avantage perdu par l’inventeur de ces équipements du jour où ils deviennent la norme. Instaurer une norme, c’est, même si cela paraît paradoxal, diminuer la concurrence potentielle et donc la capacité d’amélioration du système ;

• Tous les pays, comme les entreprises d’ailleurs, cherchent à améliorer et à valoriser leurs avantages compétitifs. La fiscalité est un élément parmi d’autres, et la fiscalité sur les résultats des sociétés un élément fiscal parmi d’autres également. La France par exemple avait décidé d’instaurer une taxe sur le chiffre d’affaires de certaines entreprises « numériques » (de mémoire, de 3 %). Si les GAFA aujourd’hui soutiennent en définitive ce fameux impôt minimum de 15 % d’IS, c’est qu’elles ont fait le calcul, que le 3 % est certain alors que l’imposition sur l’IS est aléatoire puisqu’il dépend des résultats constatés. On peut gager que nombreuses sont celles qui ont déjà des idées pour le contourner ;

• Il y a 1000 autres idées pour rendre un pays compétitif : les subventions, les allégements ou exonérations de charges, les dégrèvements, la qualité des infrastructures ou de la main-d’œuvre… le CO² sans compter les rescrits fiscaux[[rescrit fiscal : accord fiscal dérogatoire, passé entre un état et une entreprise, en général non publique.]] et autres zones franches qui permettent purement et simplement de truquer les cartes. Il y a longtemps que personne ne se demande plus pourquoi outre l’Irlande, les sociétés importantes ont des implantations aux Pays-Bas, au Luxembourg, aux USA dans le Delaware, sans parler du Liechtenstein ou de Monaco. À ce jeu, les grandes entreprises ont un avantage évident ;

• Le problème du taux : on commence à 15 % pour une catégorie de sociétés bien cadrées. L’histoire prouve que, au fil du temps, tout le monde y sera assujetti à un taux qui aura augmenté entre temps. Reprenons par exemple l’historique de la CSG en France. Personne ne parle d’ailleurs aujourd’hui du taux maximum, par exemple, ce qui pourrait aider les Français ;

• Aujourd’hui, un individu ou un entrepreneur, vit dans un pays selon les règles du jeu de ce dernier. Si elles lui déplaisent vraiment trop, ou qu’il a la perception qu’il y a mieux ailleurs, il garde une certaine possibilité de changer de domiciliation et de pays. Si demain les règles s’uniformisent, il perdra ce choix et une part non négligeable de sa liberté, même si certains pays, dont la France, se sont arrogés le droit, étonnant au demeurant, de taxer l’exil ! Beau résultat ;

• Toutefois la conséquence la plus pernicieuse de ce type de mesure est encore à venir : cela représente un encouragement objectif et permanent à augmenter la part du PIB d’un pays à concéder à l’État. Puisqu’il y a 15 % de recettes garanties, on peut penser que l’État commencera par les prendre d’office et s’il n’a pas de dépenses à mettre en face, il les inventera sans problème. Les Français ont l’habitude de se plaindre du montant exorbitant des prélèvements de leur état ; il faut savoir que ce dérapage, quoique moins important, est absolument général depuis la fin de la deuxième guerre mondiale : aucun pays pratiquement, au moins dans l’OCDE, n’y a échappé ; la montée en puissance du Welfare State est continue et ce nouvel impôt pourrait bien être une marche supplémentaire dans le sens de l’alourdissement du poids de l’État ;

• Il est probable que les États-Unis se sont en définitive ralliés à cette mesure afin de financer les dettes de la COVID et un plan de relance jugé indispensable. Il est regrettable qu’une mesure qui aurait pu se justifier par des circonstances exceptionnelles s’installe dès le départ dans la continuité et le cancer de l’étatisme. De plus, la situation « médiatique » des GAFA, toutes d’origine américaine, devenait intenable. Il faudra surveiller de près les détails des accords, dans lesquels se loge en général le diable.

Cet accord, paré à première vue de toutes les vertus, risque fort de limiter la concurrence et d’encourager les états à dépenser sans compter. Le consommateur-contribuable paiera !

 

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2 commentaires

Saint Rome juin 14, 2021 - 11:39 am

IS mondial et mise en concurrence
Au lieu de limiter la concurrence fiscale, ils feraient mieux de favoriser la concurrence économique et de limiter les monopoles ; la Standard Oil en 1914, Bell en 1982 …

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Laurent Guyot-Sionnest juin 14, 2021 - 12:52 pm

L’impôt sur les bénéfices n’est plus ni efficace ni légitime avec la mondialisation
Dans une tribune du Monde Piketty
https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/06/12/thomas-piketty-la-taxe-sur-les-multinationales-a-15-veritable-permis-de-frauder-pour-les-acteurs-les-plus-puissants_6083821_3232.html

écrit
«  » il est urgent de rappeler que l’impôt sur les bénéfices des sociétés ne saurait être l’impôt final pour les actionnaires ou les dirigeants des entreprises. Il doit redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être, à savoir un acompte dans le cadre d’un système fiscal intégré avec l’impôt progressif sur le revenu au niveau individuel.

Concrètement, les pays du G7 devraient publier chaque année des informations détaillées faisant apparaître les impôts payés par les personnes appartenant à des tranches de revenus et de patrimoines très élevés (fortunes comprises entre 1 et 10 millions d’euros, entre 10 et 100 millions, entre 100 millions et 1 milliard, et ainsi de suite).

Pour donner une chance au Sud de se développer et de construire des Etats viables, il est urgent que les pays pauvres disposent d’une partie significative des recettes des multinationales et des milliardaires de la planète. » »

Lgs : tous ces raisonnements me confortent dans l’intuition que l’impôt sur les bénéfices est une usine à gaz du fait de la mondialisation et qu’il faut le supprimer et concentrer l’imposition sur les activités et le patrimoine dans le pays taxant . Chercher à taxer les bénéfices mondiaux résultats d’arbitrages sur les prix facturés entre les entités d’un groupe mondial n’est ni efficace ni légitime.

Idem pour les revenus-dépenses-investissements-plusvalues des personnes. Avec les paiements par cartes ou virements , Piketty pourrait même proposer un compte bancaire de référence où serait compilé tous les mouvements dans le pays-territoire et une taxation TVA progressive et différenciée sur les dépenses et les investissements.

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