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Il ne faut pas sacrifier la conquête de la DLF, la tunnélisation, à la création d’emplois

par Bernard Zimmern
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L’idée de la SCT (société de capitaux transparente fiscalement) fait son chemin au cabinet de Christine Lagarde et, à notre grande surprise, dans la Loi de Modernisation de l’Économie, votée le 3 août 2008, sort son article 30 la SubS à la française, devenu l’article 239 bis AB du CGI. On peut certes trouver dans ce texte toute une série de contractions qui le rendent moins efficace et moins large que le texte américain. Mais le principe d’un bâtard, entre société de capitaux sur le plan de la responsabilité civile et la société de personne pour la fiscalité, est acquis. Le texte permet même très astucieusement de faire participer des fonds sans que les limitations et bénéfices fiscaux attribués aux investisseurs, personnes physiques, soient diminués.

Une réussite ? À ceci près que la DLF (Direction de la Législation Fiscale) va appliquer rigoureusement un autre texte qui annule en pratique l’effet de la mesure, et va se refuser à toute évolution pour les motifs que nous allons découvrir.
Cet autre texte, c’est l’article 156 du Code Général des Impôts. Il dispose bien dans son sous article 1 que le revenu imposable est diminué des pertes subies. Mais suit alors une série d’exclusions, définissant les pertes exclues d’une déduction globale et seulement déductibles de revenus de même nature : dans le jargon, elles sont « tunnelisées ».

La plus grande partie des actionnaires qui financent une création d’entreprise aux USA sont soit des créateurs d’entreprise qui ont vendu leur affaire et investissent leur petite fortune en partie dans de nouvelles créations par d’autres, soit de hauts cadres d’entreprises qui veulent utiliser leurs revenus salariaux et leur expertise.
Ces deux sources de capitaux sont condamnées par l’article 156 car les pertes des entreprises sont généralement des pertes BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux), donc non déductibles de revenus mobiliers ou salariaux. Ceci efface ainsi le plus grand intérêt de la loi.

Nous avons essayé de contourner l’obstacle en faisant remarquer que le Code fiscal permet la déduction des pertes de l’ensemble des revenus pour des investisseurs, dits professionnels, et en soulignant que si quelqu’un investit dans une entreprise plus de 100.000 euros, il présente a priori toutes les caractéristiques exigées par le Code pour ces investisseurs.
Voilà la réponse, manifestement dictée par la DLF, reçue d’un directeur adjoint du cabinet de Christine Lagarde en 2009:

Vous proposez donc de permettre l’imputation des déficits appréhendés par ces associés dits « passifs » sur leur revenu global, de manière identique aux déficits revenant aux associés « actifs ». Si cette proposition n’était pas retenue, vous suggérez à tout le moins de permettre l’extension du régime d’imputation des déficits professionnels aux déficits revenant aux associés passifs dont la participation au capital excède 100 000 €.

Votre demande appelle de ma part les observations suivantes.

L’article 239 bis AB du CGI permet aux sociétés anonymes, aux sociétés à responsabilité limitée et aux sociétés par actions simplifiées non cotées, dont le capital et les droits de vote sont détenus à hauteur de 50% par une ou plusieurs personnes physiques et à hauteur de 34% au moins [[toutes des restrictions qui n’existent pas dans la loi américaine mais dont on aurait pu s’accommoder. NDLR]] par une ou plusieurs personnes exerçant au sein desdites sociétés une fonction de direction, d’opter pour le régime fiscal des sociétés de personne de l’article 8 du CGI.

Les associés « passifs » n’exerçant pas d’activité professionnelle au sein de la société qui opte pour ce nouveau dispositif, les déficits leur revenant suivent le régime des déficits non professionnels défini à l’article 156 du code général des impôts à l’instar de tout investisseur passif dans une société de personnes[[donc les pertes sont tunnélisées]].

Cette distinction entre associés actifs, pour qui la participation à la vie de la société est constitutive de leur activité professionnelle, et associés passifs, pour qui l’entrée au capital de la société traduit simplement un comportement d’investisseur, constitue une dichotomie structurante, entraînant, de manière générale, et bien au-delà de la situation qui vous préoccupe, des conséquences fiscales différentes, connues et stabilisées, sur lesquelles il me paraît contre-productif de revenir .

C’est très gentiment dit mais en clair, la DLF est parvenue après des années d’efforts à tunnéliser les pertes et éviter des montages [[comme il en existait permettant de passer l’entretien de résidences secondaires comme pertes agricoles NDLR]] et on ne peut remettre en question cette grande conquête [[une victoire de la ténacité de la directrice de la DLF, Marie-Christine Lepetit]] avec les exceptions souhaitées, simplement pour encourager l’emploi.

La lettre se termine par une série d’arguments complémentaires sur l’asymétrie des investisseurs qui pourraient déduire leurs pertes mais conserveraient leurs gains peu ou pas imposés s’ils attendent de vendre suffisamment longtemps. Difficile de montrer plus clairement que Bercy et la DLF n’ont pas pris la mesure du manque de financement des gazelles et de son effet sur les créations d’emplois et le chômage.

 

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