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Entrepreneurs, exilés par Bercy

par Bernard Zimmern
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La révolte des « pigeons » rappelle enfin à l’opinion publique l’existence des entrepreneurs, ces travailleurs forcenés, dont plus de la moitié a échoué avant de réussir, qui prennent chaque jour des risques. Ils sont aussi le seul espoir de voir se créer de nouvelles entreprises sans lesquelles les licenciés de Florange, Synthélabo ou Peugeot n’ont aucune chance de retrouver un emploi.

La raison de leur massacre fiscal n’est pas seulement que 37 sur 38 ministres du gouvernement Hollande n’auraient jamais mis les pieds dans une entreprise privée, que nous ayons à la tête de ce pays un gouvernement socialiste, elle est aussi que, droite ou gauche, la politique fiscale est faite à Bercy et que notre haute fonction publique qui règne sur Bercy n’a jamais intégré dans sa culture la création d’entreprises et n’en a jamais compris les ressorts.

Peut-on rappeler que c’est en effet sous un gouvernement de droite, celui d’Alain Juppé, que celle qui fut ensuite la directrice de la Direction de la Législation Fiscale, Marie-Christine Lepetit, réussit à convaincre le Premier ministre de « plafonner le plafonnement » obligeant à payer au mini la moitié de son ISF et provoqua le premier exode massif de nos jeunes entrepreneurs, notamment vers la Belgique.

Beaucoup de ces jeunes entrepreneurs avaient vendu leur entreprise, fait de substantiels profits et réinvestissaient dans de nouvelles aventures ; mais n’étant plus aux commandes, ils ne bénéficiaient plus de l’exemption de l’outil de travail d’où un impôt ISF dépassant souvent largement les dividendes versés – ou obligeant les entreprises à accroître leurs dividendes au lieu d’investir. La suppression du plafond leur faisait manger leur capital et les a contraints à l’émigration.

Ce que n’ont pas compris nos hauts fonctionnaires, c’est que réussir une entreprise ne s’apprend pas dans les cours de Sciences Po ou les meilleurs ouvrages d’économie, c’est un art difficile où ceux qui excellent sont aussi rares que les grands peintres ou les grands compositeurs. Un art fait d’un sixième sens de l’évaluation qui permet de voir la pépite que personne d’autre ne voit dans un projet, d’anticiper les dangers, de proportionner l’investissement aux besoins du marché, de deviner tout ce qui se cache derrière l’asymétrie d’information, si chère à ceux qui se targuent de science économique. Généralement, les meilleurs artistes ne sont pas sortis de nos grandes écoles, encore moins de l’ENA. C’est parmi les anciens chefs d’entreprise ayant créé leur entreprise et ayant réussi et vendu que se recrutent les meilleurs investisseurs et les plus capables de sélectionner de « jeunes pousses » ; comme des graines qui permettent une moisson qui elle-même permettra de ramasser d’autres graines et de multiplier les cultures, ces chefs d’entreprise sont le bien le plus précieux d’une politique de l’emploi, la clé de tous les trésors.

Les faire fuir à l’étranger est donc un pur scandale, et pourtant c’est à cela que s’emploie Bercy quand, outre l’ISF, on regarde la nullité des textes créés sous la droite pour encourager leur multiplication. Que l’on pense par exemple à ce qu’a pondu Bercy pour créer des entreprises. Depuis la SUIR annoncée à grand fracas sous le gouvernement Chirac et dont seulement quelques exemplaires ont vu le jour ; l’unique avantage était une exemption d’impôt sur les bénéfices distribués alors qu’une entreprise qui se crée pense d’abord à se valoriser en réinvestissant tous ses profits. Ou le texte sur l’incitation fiscale des « gazelles »; ce texte est proche de la farce puisque pour bénéficier de cette disposition introduite par Renaud Dutreil, après que nous l’ayons convaincu de son importance et qu’il en ait fait le miel de ses discours, il faut déjà être une gazelle et remplir un tas considérable de conditions pour un avantage fiscal dérisoire puisque c’est seulement un report d’imposition. Une incitation ? Ce n’est même pas un prix dont les bénéficiaires pourraient se vanter, seulement une aubaine fiscale.

Le recul du gouvernement devant la pression des « pigeons » ne doit pas faire oublier que, malgré tous les rapiéçages de Bercy, l’impôt le plus nuisible au développement des entreprises françaises reste l’ISF et que tant qu’il n’a pas disparu ou été très profondément amendé, nous continuerons à créer des entreprises naines et en trop petit nombre.

La source de notre malheur est à Bercy et ce qui gravite autour ; on s’y moque bien de l’ « intérêt général » qui ne se trouve que dans les cours de l’ENA. Il n’y existe qu’un problème : comment construire sa carrière dans cette immense termitière qui vit sur le dos de l’économie française et être promu en contribuant à faire grossir la termitière. Et éviter que le citoyen ne vienne mettre son nez dans leurs affaires.

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2 commentaires

Bertin Philippe octobre 8, 2012 - 6:25 pm

Entrepreneurs, exilés par Bercy
je ne change pas une virgule! Toute la différence (et l’incompréhension!) tient au fait que ces gens reçoivent des « traitements » et que les autres s’arrachent pour payer des salaires!!
Entendre l’autre jour M Sapin expliquer à Elkabash que les entrepreneurs ne l’interessaient pas, seuls l’entreprise et les salariés le concernent! Quel aveu d’un homme que l’on disait ouvert!!
Ph Bertin

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André BROUCHET EcoBusiness Angel octobre 9, 2012 - 1:54 am

Entrepreneurs, exilés par Bercy

Bernard Zimmern parle d’or, et d’expérience…

Ne connaissant l’entreprise que de l’extérieur ou via les miroirs déformants des divers lobbies, de droite ou de gauche, nos zélés élus manipulent l’opinion pour lui faire avaler des couleuvres (tout en augmentant, discrètement, leurs divers revenus…).
Ils pensent bien faire et attaquent, sans discernement véritable, les « riches » et les patrons ayant réussis….

Les jeunes entrepreneurs eux, votent avec leurs pieds. Et créent de la richesse et des emplois. Ailleurs. Loin de Bercy…

On peut hélas ! élargir à d’autres ministères la critique (l’observation ?) de Bernard. La termitière ressemble de plus en plus au Château de Kafka, dont il faut s’éloigner pour retrouver la VRAIE vie, celle qui parle d’amour, d’échanges équitables et librement consentis, de clients et de salariés satisfaits, d’avenirs à construire, ensemble … Lucidement, quand même, et c’est pas triste…

Ce qui n’empêche pas de réfléchir et de compter « autrement » le capital de l’entreprise, ou de toute structure ayant pour ambition de rendre les hommes, et donc les femmes, heureux, car créatifs.

En intégrant par exemple, non seulement les « coûts cachés » dont parlent si bien Bernard et l’IFRAP, mais aussi les « richesses cachées », ce « capital immatériel » qui fait la valeur de l’entreprise et forge la clé de son avenir.
La VRAIE valeur de mon entreprise, pas seulement sa valeur « financière », c’est ce qui m’intéresse, au fond. Si j’y adhère, je peux d’autant mieux la renforcer par mon « capital humain »… Etre heureux au travail, et pourquoi pas ? Sans cependant oublier la lucidité, qui permet de voir clair, là où l’on peut être …ébloui !

En identifiant les divers états de cette matière qu’est l’entreprise, on voit bien quelle est la partie « solide » (les immobilisations) et « liquide » (les actifs circulants). Ils font partie du capital matériel, chiffrable, comptable.
Mais il reste encore à définir, ou plutôt à admettre, que d’autres capitaux forment l’entreprise : les clients, les partenaires, les salariés, mais aussi les brevets, les savoirs, les systèmes d’information etc. Tous rassemblés dans l’ensemble « gazeux » du « capital immatériel ».
Ce « Capital immatériel » ne compte pas, est oublié des technocrates et des financiers « à l’ancienne ».
« Le gaz, c’est du vent, de l’air … nous, on veut du solide ! » Alors …
Alors ? C’est simple. Dans nos entreprises, on ne respire plus…

On commence pourtant à réaliser en France (grâce à Alan FUSTEC et ses amis de l’ESDES de Lyon) que cet état « gazeux » de l’économie, qui est mis de côté par les comptables « prudents », est ce qui lui donne justement sa VRAIE valeur.
Saviez-vous l’économie en France est immatérielle à 86% (étude Banque Mondiale) ?

Si nos élus, comprennent cela, et agissent en conséquence, les départs de « gazelles » seront moins fréquents. Surtout si les charges sur leurs dos se font plus légères …

On peut rêver, non ?

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