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Droit de retrait ou droit de retraite ?

par Yves Buchsenschutz
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En droit français du travail, le droit de retrait est le droit pour le salarié de se retirer d’une situation de travail présentant un « danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». Le droit de retrait est un droit individuel mais qui peut s’exercer collectivement. Le droit de retrait a pour seul objectif la sauvegarde du salarié et ne peut servir à faire la promotion de revendications professionnelles.

Il a été principalement utilisé dans des situations de conflits avec les usagers : disputes, rixes, émeutes… dans lesquelles des agents souvent publics, tels les pompiers, les conducteurs de transports en commun, les agents hospitaliers, en particulier des urgences, étaient pris à partie par des clients insatisfaits ou impatients se livrant à des actes de violence envers leurs interlocuteurs. Il répond en fait aux situations où l’une des parties prétend se faire justice elle-même et ceci par la force.

Il se trouve que mercredi soir de cette semaine, un accident, assez grave il est vrai, a eu lieu entre un convoi exceptionnel et un TER dans les Ardennes, mais tout de même un simple accident, pas une émeute. Les conducteurs et contrôleurs SNCF ont en conséquence déclenché une grève « surprise » immédiate arguant du droit de retrait, car le conducteur était seul à bord pour gérer la situation, ce qui est le cas normal depuis longtemps à la SNCF. (Avez-vous vu souvent un co-conducteur dans un autobus au cas où ?) En fait le seul endroit où le co-conducteur est fréquent est celui des avions (pas toujours) et des trottinettes, mais dans ce cas c’est en principe interdit). Nombreux sont les gens qui ont déploré l’accident, mais personne n’a parlé d’agression du conducteur.

Il n’empêche, comme les grèves sont soumises à préavis, il était bien tentant de saisir ce prétexte pour la déclencher immédiatement nonobstant le fait que le vendredi soir de cette semaine était celui des départs en vacances scolaires, pour une fois, de l’ensemble de la France. Une grève est bien annoncée, concernant les négociations sur les retraites le 5 décembre, mais c’est loin, et surtout beaucoup moins efficace qu’une grève impromptue et surprise le jour des départs en vacances.

Le vrai motif de la grève, inavouable, est en fait la modification du régime de retraite des cheminots avec en arrière-plan leur statut, pourtant déjà outrageusement conforté au fil des reculades de l’Etat.

Cette grève va empoisonner les vacances de 20 millions de familles (c’est-à-dire quasiment tous les Français) qui toutes, à un degré plus ou moins important, vont voir leur organisation pour les quinze jours qui viennent à reprendre à zéro. Les usagers vont en faire les frais.

De son côté, la SNCF va perdre un trafic payant important et jeter à la poubelle toutes les promotions et tous les efforts qu’elle déploie pour développer le transport par fer (déjà moribond par inefficacité en ce qui concerne le fret). Elle aura beau jeu d’expliquer ensuite qu’elle est le transport vert de l’avenir : à condition qu’il fonctionne ! La note va se compter en millions qui viendront s’additionner à ceux que les Français « autres » règlent déjà chaque année tant pour combler le déficit direct de cette organisation (vous avez bien lu : 55 milliards de dette à fin 2018. Près de 1.000 € par Français) que celui de leur régime de retraite (savez-vous qu’il y a 150.000 cheminots en activité pour 280.000 à la retraite : en effet l’âge précoce de départ à la retraite des agents, ajouté à un métier qui ne se développe pas ou peu, déséquilibre complètement le système de répartition : nombre de cotisants trop faible pour des ayants-droits trop nombreux et des pensions trop généreuses. Il faut donc faire jouer la solidarité avec les autres régimes et faire appel à l’Etat pour boucler le budget. Une partie de vos cotisations va directement dans la pension de retraite des cheminots !

CE QUE LES SYNDICATS DE CHEMINOTS DEMANDENT AUJOURD’HUI ? C’EST EN FAIT LE DROIT DE RETRAITE ETERNEL ET UNIVERSEL ! Pour eux, leurs enfants, leurs parents, qui sais-je encore ?

COMMENT AGIR OU REAGIR ?

• En étant stoïque (méthode dite du Bataclan : on ne changera rien à nos habitudes !). Le problème est que cela ne freine en rien le phénomène

• En demandant un jugement en référé et en réquisitionnant les cheminots. Déjà vécu, en utilisant des militaires.

• Plus moderne, en imaginant des brimades pour les représentants de cette entreprise : en crachant sur les agents SNCF sans préavis, en leur tirant la langue systématiquement, en répandant des chewing-gum prémâchés sous leurs pieds, le tout filmé et diffusé sur les réseaux sociaux.

• En refusant de présenter votre titre de transport ou en faisant payer à chaque agent gréviste l’amende due en cas d’utilisation intempestive du signal d’alarme (3.750€ d’amende et 6 mois de prison !

• En déclenchant une contre-grève le 5 décembre : tout le monde reste chez soi et arbore un badge de protestation (si vous avez une idée)

• En bloquant le financement des régimes SNCF par des reversements du privé ou de l’Etat ou en limitant le droit à pension à 15 ans après l’âge de départ à la retraite pour les salariés SNCF

• En ??????

• Vous avez certainement des idées : faites passer sur les réseaux sociaux ou dans les commentaires.

ILS NE PASSERONT PAS !!!

Notes :

Savez-vous comment vous procurer un billet pas cher : envoyez votre enfant faire un stage à la SNCF. En tant que parent du susdit, vous aurez droit à un billet à prix très réduit.

Ce combat est très important car il a valeur de test : si le gouvernement, c’est-à-dire nous, reculons, alors nous verrons défiler tous les régimes spéciaux suivis bientôt des fonctionnaires ; Dans ce cas, c’est vrai, la retraite des autres ne sera pas épaisse.
Voir également l’article du 27 Septembre 2017 : « les avantages acquis jamais remis en cause, l’invasion des cliquets ».

 

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3 commentaires

Bertrand Nouel octobre 22, 2019 - 11:55 am

Droit de retrait et jurisprudence
Il ne fait pas de doute que le mouvement en question ne peut pas être qualifié d’exercice du droit de retrait. Comme le rappellent Guillaume Pépy et la jurisprudence, il doit s’agir d’un droit individuel en cas de circonstance mettant en danger imminent la vie ou l’intégrité physique du salarié. La demande concerne la conduite d’un train par un seul agent en l’absence de contrôleur. Or c’est déjà le cas pour 6.000 trains sur un total de 17.000, depuis 30 ans pour certains ! Et il est avéré qu’aucun lien ne peut être établi entre l’accident au passage à niveau dans les Ardennes et la conduite par un agent seul.

Deux inspecteurs du travail ont attiré l’attention sur le fait que si une sanction était prononcée à tort contre les salariés, cela consisterait un délit pénal. L’argument sur le fond : l’entreprise « n’est pas en mesure d’évaluer les risques liés à une collision dans la situation d’un seul agent à bord« . On pourrait rétorquer que le risque serait le même avec 2 (ou quarante !) agents à bord…L’argument n’a aucun sens. Au moins ses auteurs reconnaissent-ils que ce n’est pas la présence d’un seul agent qui serait la cause de la collision, alors que la survenance d’un danger pour la vie ne peut être que la conséquence de cette collision. Si les tribunaux étaient d’un avis contraire, cela ôterait toute signification à la notion de droit de retrait et un revirement complet de jurisprudence de nature à mettre à néant la règlementation du droit de grève (notamment sur la nécessité d’un préavis). De quoi se mêlent d’ailleurs ces inspecteurs du travail, qui font penser à l’inénarrable Gérard Filoche de sinistre mémoire ?

Le préjudice pour la SNCF est énorme, c’est la désorganisation de l’entreprise incapable de faire face à la grève surprise (On remarque même sur les réseaux sociaux certains dire qu’ils n’en veulent pas aux cheminots, mais à la direction !). Or Guillaume Pépy menace les salariés coupables d’une retenue sur salaire allant de 70 à 100 euros par jour, et encore seulement s’ils ne satisfont pas à une mise en demeure de reprendre le travail. C’est vraiment bien mince, et on voit là la SNCF terrorisée à l’idée d’un conflit majeur.

Ce n’est pas la première fois que le droit de retrait est exercé en dehors des dispositions légales qui le règlementent, mais l’ampleur de l’atteinte est ici inusitée. Cela dénote de la part des salariés une volonté affirmée d’aller à ce conflit majeur. Pour le coup, le désir de conciliation, bien perceptible chez Guillaume Pépy comme toujours (« je suis cheminot » dit-il), ne paraît plus être de mise. Il est temps qu’il se « thatcherise », au lieu d’attendre que les cheminots chantent « il est des nôtres » …

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kerautret octobre 23, 2019 - 9:51 am

paiement des jours de grève (en général)
Je souhaite vivement découvrir un procureur, « qui en a  » où je pense, qui poursuivra le dirigeant qui rémunèrera des jours de grève pour « abus de biens publics ou de biens sociaux.

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zelectron octobre 24, 2019 - 1:19 pm

Puzzle
À LA SEUNEUCEFEU :
« J’vais lui faire une ordonnance et une sévère… J’vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins d’Paris qu’on va la retrouver éparpillé par petits bouts, façon puzzle. Moi, quand on m’en fait trop j’correctionne plus : j’dynamite, j’disperse, j’ventile. »

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