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De la religion universelle à la guerre des valeurs

par Yves Buchsenschutz
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Le dernier G7 en cours laisse tout doucement émerger le problème des « valeurs universelles » ou plutôt, dites universelles. Les G7 ou autres Gx, sont, comme le rappelait dans son introduction aux Français le président Macron, des lieux d’échanges entre pays et nations pour essayer de se mettre d’accord sur l’existence et la nature des problèmes communs à la planète et ensuite d’élaborer puis de s’engager si possible dans des solutions communes négociées.

Tout ceci n’a de sens que s’il y a mondialisation (c-à-d interpénétration des problématiques) mais ne peut déboucher concrètement que s’il y a des référentiels communs : quels sont les problèmes ? pourquoi sont-ils des problèmes ? en fonction de quels critères pourra-t-on les considérer comme résolus ? d’où l’émergence du concept de valeurs universelles, catalogue historique et hétéroclite fait de propositions au sens mathématique du terme[[Evidence admise mais non démontrée sur laquelle on va construire la suite, logique elle, de la démonstration]]. Nous allons voir que nous nageons en pleine confusion tout en ayant une impression de cohérence rassurante…

Les valeurs universelles : un peu d’histoire (condensée)

Pour nous, « occidentaux », le plus simple est de se référer à la « Déclaration Universelle des Droits de l’Homme » signée à Paris en 1948 par 48 pays et plus ou moins acceptée depuis par beaucoup d’autres – mais pas tous, le Japon par exemple n’est pas signataire -, suite à la création des Nations Unies en Octobre 1945. Elle fait suite, entre autres, à la création de la SDN (Société des nations) après la guerre de 1914-1918, à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen française de 1789, laquelle fait suite à la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique de 1776, etc… Tout ceci concrétise un long courant historique aboutissant d’abord au « Siècle des Lumières » avec Rousseau et Voltaire en France, mais aussi de nombreux auteurs britanniques, en particulier Locke. Même si elle se sépare des religions, elle s’inspire de la tradition de tolérance (parfois tardive) judéo-chrétienne et à ce titre est le fruit d’une civilisation parmi d’autres. Les musulmans, d’ailleurs ont établi leur propre Déclaration Islamique Universelle, inspirée de la Charia, en 1981 et 1990 principalement.

On ne peut pas non plus passer sous silence les circonstances de l’adoption de cette déclaration élaborée pendant et en sortie de la deuxième guerre mondiale. C’est une déclaration des vainqueurs prenant position par rapport aux options des vaincus. N’y cherchons aucune participation allemande ou japonaise par exemple.
La caractéristique universelle des valeurs que celle-ci prône est donc très largement sujette à caution.

Les valeurs universelles : un catalogue souvent contradictoire, à géométrie variable

Tout en revendiquant une large cohérence, les valeurs universelles cachent un certain nombre de contradictions manifestes.
Nous affirmons que chaque pays, voire chaque individu, peut décider librement de son destin mais nous nous indignons haut et fort s’il applique la peine de mort ou accepte la polygamie ou… Nous mettons dans la même devise liberté et égalité qui sont de fait des comportements qui entrent par construction régulièrement en opposition.

De plus, les valeurs universelles que nous souhaitons voir devenir le socle de la coexistence pacifique des peuples sont en perpétuelle évolution : le droit de vote, la majorité légale, les rapports hommes-femmes, la sexualité, le mariage, l’héritage, les régimes politiques, etc. varient selon le lieu et le temps, et chaque pays est toujours en retard d’une révolution aux yeux de tel ou tel autre. Comment s’y retrouver ?

Les traditions des peuples, souvent héritées des religions, peuvent être extrêmement diverses. Comment marier harmonieusement le christianisme, le bouddhisme, l’islam, le bushido, le taoïsme ou ce qui en est issu, etc.
En fait de valeur réellement universelle il ne semble s’en détacher que 2 : une avouable, l’instinct de survie, l’autre moins mais qui lui est liée : la volonté de puissance. Tout le reste est discutable et interprétable. Et nous ne pouvons pas raisonnablement prôner la libre-détermination des peuples un jour et le lendemain reprocher à l’un d’eux telle pratique non conforme à « nos » valeurs universelles.

Les valeurs universelles et la mondialisation

Il y a bien longtemps que la mondialisation a commencé si l’on assimile ce phénomène aux mouvements des populations et aux mélanges des cultures et par conséquent des valeurs. C’est tout simplement l’histoire des conquêtes et des invasions dont le dernier avatar a été la colonisation. Toutefois, si l’on s’intéresse à ce que nous appelons « mondialisation »[[ Phénomène d’ouverture des économies nationales sur un marché mondial, entraînant une interdépendance croissante des pays.]] aujourd’hui, force est de constater que la mondialisation glisse de plus en plus de l’asservissement pur et simple à l’interdépendance, soit par la diffusion des « valeurs universelles » disons ONUsiennes, soit par l’émergence de nouvelles puissances susceptibles de contester son hégémonie[[Chine, Indes, voire monde islamique]]. Parallèlement, l’accroissement continu des échanges imposera nécessairement la référence à des valeurs communes sous peine de litiges incessants.

Les valeurs universelles de demain

Nous nous trouvons donc à un carrefour important : quel sera le référentiel mondial de demain ?
Avant de tenter une réponse, il importe de se rappeler que toute communauté ne peut vivre sereinement que dans un référentiel à peu près commun, à défaut d’être unique ou totalement stable. Une simple différence d’interprétation de la même religion entretient une guerre en Irlande du Nord depuis plus de cent ans !

Le référentiel ONUsien actuel est forcément un candidat potentiel car il a le mérite de l’existence, de l’ancienneté, d’être déjà le résultat d’un consensus de nombreux pays, (plutôt consanguins il est vrai) mais aussi d’avoir créé et mis en place des systèmes de confrontation systématiques (ONU, UNICEF… mais aussi G7, G20… Il a surtout un autre mérite : celui d’avoir fonctionné et permis progressivement la sortie de l’humanité de la pauvreté.

Il a par contre trois handicaps importants : historique, il a peut-être fait son temps[[Nous savons désormais que les civilisations sont mortelles]], est-il capable de se réactualiser ?; il n’a pas de réponse claire et évidente à la surconsommation de la planète consécutive à l’accroissement de population multiplié par l’accroissement de richesse ; il a mal résolu le problème du multiculturalisme et prétend jusqu’à maintenant juxtaposer des populations de cultures et coutumes différentes sans expliquer clairement comment s’organisera une coexistence pacifique.[[L’Europe par exemple recommande à ses membres l’accueil de populations migrantes tout en maintenant leur culture !]]

Un référentiel chinois pourrait bien entendu s’imaginer dans la mesure où la montée en puissance de ce pays du fait de sa population et de son émergence économique l’encourage à parler de plus en plus haut et fort. La reconnaissance faciale sera-t-elle demain la norme ? voire l’enfant et le parti unique ?

Il en est de même de l’Inde (Intégrerons-nous les castes dans nos valeurs mondiales ?) mais elle sera probablement précédée par la Chine. Le monde islamique, lui, semble aujourd’hui trop divisé pour briguer sérieusement ce leadership, mais conteste par des formes de terrorisme, ce qu’il considère comme un abus de pouvoir.

Il n’en reste pas moins vrai que si le système « ONUsien » veut conserver sa vocation (et sa prééminence), les pays qui en font partie doivent très vite imaginer une réactualisation :

– En imaginant des solutions réalistes et pragmatiques à la révolution « durable » : en fait, comment faire vivre décemment (= ?) une masse de population décuplée sur notre planète sans « épuiser » cette dernière ?
– En imaginant un cadre et des solutions acceptables à la coexistence de masses de populations de cultures hétérogènes qui se retrouvent face à face au gré des migrations. En fait, peut-on imaginer, au sein d’un système de valeurs mondial unique allégé, des systèmes de référence compatibles mais plus détaillés pays par pays par exemple ?

En attendant, si nous voulons réellement accepter l’autre, nous ferions bien de faire preuve d’un peu plus d’ouverture et de modestie. L’occident n’a pas tout inventé et s’est construit sur d’autres civilisations également respectables et intéressantes.

 

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